Trafic de drogue: les victimes de règlements de comptes de plus en plus jeunes

Marseille: un mort et un blessé dans une fusillade près de la cité de la Maurelette - BFM Marseille Provence
Un jeune garçon de 16 ans a été tué, et deux autres de 14 et 16 ans blessés, dimanche soir dans le quartier d'affaires de la Joliette à Marseille alors que la ville a été le théâtre de trois fusillades meurtrières au cours de la même nuit. La veille, quatre jeunes d'une vingtaine d'années étaient blessés par des tirs. Il y a un mois toujours dans la cité phocéenne, c'était un adolescent de 17 ans qui succombait à un probable règlement de comptes sur fond de trafic de drogue.
"Ces fusillades sont symptomatiques de cette violence liée à la drogue, oui la drogue tue, notamment à Marseille", se désolait ce lundi matin sur BFMTV la préfète de police de Marseille.
Si pour l'heure, il est "beaucoup trop tôt pour savoir qui était visé" et "pourquoi elles étaient visées", "ces fusillades, c’est la seule chose à peu près claire, ont un lien" avec le trafic de drogue. Elles démontrent "un usage débridé des armes à feu par ces équipes de narcotrafiquants, qui n’hésitent pas à frapper des mineurs, à frapper des personnes qui ont une place très peu importante dans les trafics. On va sur les points de deal et on vise le guetteur ou le vendeur du jour", poursuit Frédérique Camilleri.
De la main d'œuvre de plus en plus jeune
17, 16, et même 12 ans, les victimes de ces règlements de compte sont de plus en plus jeunes. La politique de lutte contre la drogue s'est accentuée ces derniers mois. A son arrivée à Beauvau, Gérald Darmanin assurait qu'elle serait sa "priorité" et qu'elle devait être "l'alpha et l'oméga de toutes nos interventions".
Plateforme de signalement des points de deal, amende forfaitaire pour les petites mains du trafic et pour les consommateurs, CRS 8 déployée à Rennes ou à Marseille dans les quartiers gangrenés par le trafic de stupéfiants, autant de mesures qui ont déstabilisé les réseaux. Une technique du "pilonnage" qui consiste à déstabiliser quotidiennement les réseaux en s'attaquant aux points de deal.
Privés de leur main d'œuvre locale, les têtes de réseau font appel à des intérimaires venus d'autres départements mais aussi ont recours à des petites mains de plus en plus jeunes. Ces adolescents sont attirés par l'argent facile, alors qu'une journée en tant que guetteur peut leur rapporter jusqu'à 300 euros, et par l'image valorisante dans les quartiers du trafiquant de drogue. Du côté des trafiquants, la manœuvre a également son intérêt puisque la jeunesse de cette main d'œuvre allège les éventuelles poursuites judiciaires.
"Il y a un axe très important d'arrivée de toute la France de très jeunes mineurs sur Marseille, qui sont recrutés via des vidéos sur Snapchat vantant de l'argent facile en échange de faire le guet au pied des tours, expliquait en janvier 2022 la procureure de Marseille.
"Ces jeunes viennent de l'axe rhodanien, de Lyon, Saint-Etienne, mais aussi de région parisienne et particulièrement du Val-d'Oise", détaillait-elle alors.
Des jeunes exploités par les trafiquants
Les trafiquants n'hésitent pas non plus à recruter certains de ces mineurs dans les foyers où ils sont placés par l'Aide sociale à l'enfance. "Ce sont des mineurs en danger, confirmait à BFMTV.com la procureur de la République de Compiègne il y a quelques jours. Dans le cadre de ces placements, ils découvrent le fonctionnement des quartiers, tissent des liens avec les dealers qui les exploitent."
Pis, les chefs de ces trafics leur créent des dettes "plus fausses les unes que les autres, avec des menaces de représailles, des rétorsions physiques, et une situation intenable alors qu'ils sont isolés dans les quartiers", décrivait également la procureur de Marseille.
"C'est de la pure marchandisation de ces jeunes qui se retrouvent à appeler au secours la police, pour être extraits de ces milieux", poursuivait-elle.
"Ce qui est dramatique c'est qu'on voit des mineurs qui ne sont pas à l'école de la République. On voit de plus en plus de ces jeunes-là qui sont dans les cités, qui font les guetteurs. On voit de plus en plus de ces jeunes-là qui sont maintenant des vendeurs, des 'charbonneurs' comme on les appelle et ça c'est extrêmement inquiétant", déplore Rudy Manna, porte-parole PACA du syndicat Alliance Police. Il en appelle à un travail conjoint de toutes les institutions pour faire face à ces trafics.