Souad Merah, retour sur une mystérieuse disparition

D'après les enquêteurs, la sœur aînée de Mohamed Merah s'est rendue en Turquie le 9 mai dernier. Il y a de fortes chances que cette femme, fichée par le Renseignement pour son appartenance à la mouvance salafiste, se trouve en Syrie.

Souad, la soeur de Mohamed Merah, s'est volatilisée il y a plusieurs jours de son domicile toulousain avec ses quatre enfants, dont un nouveau-né. Où se trouve-t-elle? Que lui reproche-t-on? Comment a-t-elle pu si facilement échapper aux autorités? BFMTV.com fait le point.

> Qui est Souad Merah?

Soeur aînée de Mohamed Merah, le tueur au scooter de Toulouse et Montauban, Souad, 35 ans, est elle-même adepte d'un islam radical. Entièrement voilée de noir en public, elle a attiré l'attention de la justice en 2012 en se disant "fière" des actes de son frère alors qu'elle était filmée à son insu par une chaîne de télévision.

Née en 1978 en Algérie, arrivée en France en 1981, elle serait tombée dans l'islam radical dès 2001. Mère à 21 ans, elle a divorcé du père de ses deux premiers enfants car il ne la suivait pas dans cette voie. Elle s'est remariée avec un homme également engagé dans la mouvance salafiste. Elle a aujourd'hui quatre enfants, âgés de 9 mois à 14 ans.

Elle était fichée par la DCRI, le Renseignement intérieur, pour son appartenance la mouvance salafiste avant même les meurtres de son frère. Son frère Abdelghani, qui a dressé dans un livre un portrait accablant de sa famille, voit en elle une "terroriste en puissance", alors qu'il se souvient d'une adolescente "à la limite d'une vie de débauche".

> Où est-elle partie?

Le 20 mai, l'école où est scolarisé l'un des enfants de Souad Merah a signalé l'absence de celui-ci depuis plusieurs jours. C'est à cette occasion que les autorités se sont aperçues de la disparition de la soeur de Mohamed Merah et de l'ensemble de sa progéniture. Leur appartement du Mirail, quartier sensible de Toulouse, était vide.

Jeudi, les parents de Souad Merah ont clamé que la jeune femme était partie pour des vacances en Tunisie. "Ma fille a prévu de rentrer en France dans les semaines qui viennent", a assuré à BFMTV Zoulikha Aziri, la mère Souad Merah. Des déclarations confirmées par Me Christian Etevin, l'avocat de la jeune femme.

Mais les enquêteurs ont reconstruit un autre parcours. Selon des sources policières, les contacts avec ses proches ont permis de géolocaliser ses mouvements et sa présence sur les listes de passagers d'un vol Turkish Airlines. Vendredi, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a ainsi déclaré qu'il y avait "une forte présomption de sa présence en Syrie".

> Quel serait son parcours?

Vraisemblablement début mai, mère et enfants ont quitté Toulouse dans un monospace, destination Barcelone. Le 9 mai, à 12h25, "Souad Merah a pris un avion Barcelone-Istanbul" sur la compagnie Turkish Airlines, a précisé Bernard Cazeneuve. Puis, à 21h15, "un vol Istanbul-Gaziantep". Souad et ses enfants sont arrivés dans la soirée dans cette ville du sud-est de la Turquie à 70 km au nord d'Alep, en Syrie.

Les enquêteurs la soupçonnent d'avoir de là rejoint son compagnon, qui se trouve en Syrie depuis quelques semaines, avec ses enfants. La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert jeudi une enquête préliminaire pour la localiser.

Comment a-t-elle pu échapper aux autorités?

Souad Merah ne se trouvait pas sous contrôle judiciaire. L'enquête pour "apologie du terrorisme" ouverte après ses propos sur les crimes de son frère a été classée. Un temps soupçonnée d'avoir aidé Mohamed Merah dans ses actes, elle n'a finalement fait l'objet d'aucune poursuite. De ce fait, elle était en droit de quitter librement le territoire français.

Fichée par la DCRI pour son appartenance à la mouvance salafiste, elle faisait néanmoins l'objet d'une "fiche S", c'est-à-dire que ses déplacements étaient surveillés. Or, "quand quelqu'un qui est surveillé franchit une frontière - qu'elle soit terrestre, maritime ou aérienne -, l'information est relayée", note sur BFMTV Christophe Naudin, spécialiste de la sûreté aérienne.

C'est cette information qui, vraisemblablement, n'est pas passé le 9 mai dernier. "Ce seraient les autorités espagnoles, dans le cadre des accords de Schengen, qui aient remonté l'information hier auprès de la police aux frontière."

M. T.