"On se disait qu'on n'avait rien à craindre": les habitants de Trèbes sous le choc

Le supermarché visé par une attaque à Trèbes, dans l'Aude - Eric Cabanis-AFP
"C'est affreux, on a l'impression de faire un mauvais rêve": dans la petite commune de Trèbes, près de Carcassonne, le réveil était douloureux ce samedi et les mines défaites, au lendemain de la prise d'otages meurtrière dans un Super U.
"J'ai cru que c'était un braquage qui avait mal tourné"
"On ne s'attendait pas à ça..." poursuit, hagard, Hamid, 53 ans, restaurateur dans cette commune paisible du sud de la France, traversée par le très touristique Canal du Midi. "Voir des choses comme ça arriver dans un petit village, c'est effrayant", ajoute cet homme d'origine marocaine. "Ça fait quarante ans qu'on vit là, on n'a jamais fait parler de nous, que ce soit le village ou les Marocains qui vivent là."
La veille, il faisait "le plein d'essence sur le parking du Super U. "Quand les gendarmes sont arrivés avec leurs armes, j'ai cru que c'était un braquage qui avait mal tourné", souffle-t-il. En réalité, à l'intérieur se joue une prise d'otages menée par un jihadiste se réclamant de l'organisation terroriste Daesh, Radouane Lakdim, 25 ans.
Trois personnes sont mortes pendant ou après l'attaque dans le supermarché, dont un des salariés. Grièvement blessé par l'assaillant, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame qui s'était substitué à une otage, est l'une des victimes. L'assaillant avait commencé son équipée meurtrière vendredi matin en volant d'une voiture volée à Carcassonne, tuant le passager et blessant grièvement le conducteur.
"Nous avons vécu quelque chose de terrible"
Ce samedi matin, le magasin Super U de Trèbes situé dans une zone d'activité était fermé. Quelques voitures et camionnettes stationnaient encore sur le parking de l'hypermarché, interdit au public et contrôlé par deux gendarmes.
Alors que les commerçants ont rouvert, habitants de la commune et salariés du Super U défilent depuis vendredi à la mairie pour répondre aux questions des enquêteurs ou bénéficier de l'écoute des psychologues. "C'est horrible, à l'intérieur, tout le monde pleure", a témoigné une habitante, sous couvert de l'anonymat.
"Nous avons vécu quelque chose de terrible. Il y aura un avant et un après", a déploré le maire de Trèbes, Eric Ménassi.
Elle dit "vivre très mal les événements"
Parmi les personnes qui viennent à la mairie, "beaucoup ont besoin de parler, de s'exprimer sur le drame", a-t-il déclaré devant la presse. "Nous vivons dans une petite bourgade d'un peu moins de 6000 habitants et nous sommes tous convaincus que ces atrocités ne se passent pas chez nous, que c'est chez le voisin, et hier, nous avons mesuré combien le fanatisme peut toucher n'importe qui."
Venue acheter un bouquet de fleurs "pour le gendarme décédé", Monique, 73 ans, dit "vivre très mal les événements". "C'est une petite commune, on se connaît tous", décrit cette retraitée. "Après Paris, Nice, Marseille... À Trèbes, on se disait qu'on n'avait rien à craindre", confesse avec une voix chevrotante Khadija, 52 ans. "On se disait que ça n'arrive que dans les grandes villes", ajoute cette femme fébrile, indiquant que "le Super U est situé dans un coin perdu, c'est la campagne ici".
"Ne nous laissons pas gagner par l'émotion qui est immense", a appelé le maire de Trèbes, invitant les habitants à "se rassembler et, avoir une cohésion encore plus forte. Evitons les amalgames, tous les amalgames".