Attentat de Charlie Hebdo en 2015: l'imprimeur otage des frères Kouachi raconte comment il a surmonté le traumatisme

Michel Catalano, dans son imprimerie rénovée, en septembre 2016, a été pris en otage par les frères Kouachi dans son établissement le 9 janvier 2015 après l'attaque meurtrière contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo - STEPHANE DE SAKUTIN
Un homme toujours marqué par le traumatisme. En janvier 2015, dans son imprimerie à Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne, Michel Catalano a été pris en otage par les frères Kouachi, qui venaient de commettre un attentat meurtrier au journal Charlie Hebdo. Dix ans après, l'imprimeur raconte à Ouest France comment il tente de surmonter ce traumatisme, dans une interview parue vendredi 3 janvier.
"Je suis devenu quelqu’un de complètement différent depuis ce jour", assure-t-il au quotidien, expliquant avoir appris à "vivre avec (ses) maux".
Le 7 janvier 2015, Chérif et Saïd Kouachi, Français d'origine algérienne ayant prêté allégeance à Al-Qaïda, entraient dans les locaux de l'hebdomadaire satirique et tuaient 12 personnes.
S'en suivaient deux jours de traque par les forces l'ordre. Ils étaient finalement abattus par une équipe du GIGN dans l'imprimerie de Dammartin-en-Goële, où ils s'étaient retranchés.
"Je me dis que c’était fini pour moi"
Avant cela, Michel Catalano, 57 ans, gérant de l'imprimerie, était maintenu en otage pendant une heure et demie par les deux frères. "J’ai tout vu dans leur regard, la peur, la colère, le désarroi", se souvient-il dix ans après.
Alors que les terroristes lui demandent soudainement s'il est juif, l'imprimeur prend peur. "Je me dis que c’était fini pour moi, je sentais la violence, à travers les yeux noirs", souffle-t-il.
Il répond que non et ajoute qu'il est français avec des origines italiennes. "J’espérais que mon identité d’immigré allait éveiller chez eux une possibilité de s’identifier à ma personne, à mon parcours de vie", explique-t-il.
Alors qu'il faisait face aux terroristes, Michel Catalano avait auparavant poussé son jeune salarié de 26 ans, Lilian, à se cacher sous un évier pour le protéger. Un geste qui lui a sauvé la vie.
Depuis, si le jeune homme ne travaille plus dans l'imprimerie, le quinquagénaire a gardé contact avec lui. "Nous avons un lien très fort que les gens ne peuvent pas comprendre", assure-t-il.
Une angoisse persistante
Depuis cette prise d'otage, durant laquelle il a craint pour sa vie, Michel Catalano est touché par une hypervigilance et dit avoir des difficultés même à regarder quelqu'un dans les yeux.
À l'approche de la date anniversaire de la prise d'otage, l'imprimeur, qui n'a pas quitté Dammartin-en-Goële, reconnaît cependant être un peu angoissé. "J’essaye de m’auto-persuader que tout se passera bien", dit-il.
Il reconnaît aussi que la peur ne l'a pas totalement quitté, des souvenirs du 7 janvier 2015 refaisant surface "tant que les machines (de l'imprimerie) ne sont pas redémarrées" le matin et qu'il est seul.
Il assure cependant aller "mieux" aujourd'hui, disant avoir été aidé par l'écriture de son livre, L'imprimeur de Dammartin, Dix ans après, l'otage des terroristes se raconte, sorti jeudi 2 janvier. "J’avais besoin de comprendre pourquoi j’avais agi comme ça ce jour-là, il a fallu que je comprenne ma journée", explique-t-il.