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Sébastien et Roberto, lynchés à Madagascar: les grands oubliés

A gauche, Sébastien Judalet, à droite Roberto Gianfalla et sa soeur Carmela.

A gauche, Sébastien Judalet, à droite Roberto Gianfalla et sa soeur Carmela. - -

Sébastien Judalet et Roberto Gianfalla ont été frappés et brûlés par une foule sur une plage de Madagascar, le 3 octobre dernier. Depuis, leurs corps sont toujours là-bas. L’État refuse de prendre en charge leurs rapatriements.

Cela fait plus d'un mois que Sébastien Judalet et Roberto Gianfalla sont morts à Madagascar sous les coups d'une foule ivre de colère, qui les accusait à tort d'être impliqués dans la mort d'un enfant. Or, leurs deux familles françaises ne peuvent toujours pas se recueillir sur leurs dépouilles: ils n'ont pas été rapatriés de l'île.

"Mon frère a vécu en France, mais il n'avait que la nationalité italienne. Du coup, la France ne s'occupe pas du tout de nous, et je parle peu italien. C'est très dur", confie à BFMTV.com Carmela, la sœur de Roberto. "L'ambassade italienne la plus proche de Madagascar est en Afrique du Sud. Là-bas, on me dit que le rapatriement sera à mes frais. Mais comment l'organiser? Où se trouve-t-il actuellement? J'habite à Annecy, sera-t-il amené jusqu'ici? Je suis complètement désespérée."

"Les parents sont au supplice"

Le cas de Sébastien est géré par la France, mais le résultat est le même pour ses proches. En milieu de semaine dernière, ses parents ont reçu un coup de fil terrible du Quai d'Orsay, révélé par le Courrier de l'Ouest: l'Etat ne se chargera pas de ramener leur fils. Tout au plus leur a-t-on conseillé de se rapprocher d'une entreprise de transport funéraire international. 

L'avocat de la famille Judalet, joint par BFMTV.com, tempête: "Croyez-vous que ce soit aux parents, déjà au supplice de perdre leur fils, de devoir gérer tant de démarches administratives? La somme n'est pas le problème, car les assurances l'ont pris en charge. Mais chaque jour, ils passent des coups de fil pour tenter de savoir par quel vol Sébastien va revenir. On leur répond à chaque fois un jour différent. L'attente est insoutenable", regrette Me Bertrand Salquain.

Joint par téléphone, le parquet de Bobigny, en charge de l'enquête sur la disparition de Sébastien, rappelle que le ministère des Affaires étrangères "ne prend jamais en charge financièrement les rapatriements. Ce sont soit les assurances, soit le ministère de la Justice dans le cadre de frais de justice." Mais dans cette affaire, "ce n'est pas du ressort du parquet", explique-t-on à BFMTV.com.

Les restes conservés dans un congélateur

Les restes de Roberto sont conservés "dans un dispensaire", sa sœur n'en sait pas plus. Tout juste a-t-elle appris lundi par mail de l'ambassade italienne en Afrique du Sud qu'elle doit désormais leur verser "plus de 100 euros par jour, pour chaque jour que le corps passe là-bas", pour payer l'entretien funéraire. Soit actuellement déjà plus de 3.000 euros. "Je ne sais pas comment on va payer", lâche-t-elle, à bout.

Ceux de Sébastien sont dans un congélateur alimentaire, acheté pour l'occasion par le consulat français à Madagascar, après avoir fait l'objet d'une première autopsie pour séparer sa dépouille de celle de Roberto, brûlé vif avec lui dans un bûcher.

Sébastien doit de nouveau être autopsié à son retour en France, sur décision du parquet de Bobigny. Une autre raison qui pousse Me Salquain à s'indigner. "Jusqu'à la semaine dernière, le ministère de la Justice allait dans le sens des parents et était d'accord pour le rapatrier. Mais le Quai d'Orsay a repris la main sur l'affaire, et refuse. L'Etat ne peut-il pas dépenser 13.000 euros pour ramener un corps, qui plus est dans le cadre d'une procédure judiciaire?" Joint par téléphone, le ministère des Affaires étrangères n'a pas répondu à nos sollicitations. Les familles, eux, attendent inexorablement de pouvoir enfin enterrer dignement leurs proches.

Alexandra Gonzalez