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Police-Justice

Rodéos urbains: ce que dit la loi, ce que proposent les politiques

Un rodéo urbain dans les Hauts-de-Seine en octobre 2022

Un rodéo urbain dans les Hauts-de-Seine en octobre 2022 - RMC

Les courses illégales de véhicules sont susceptibles d'entraîner une peine de prison, la suspension du permis de conduire et la confiscation de sa voiture ou de sa moto. Mais les sanctions sont relativement peu appliquées. Gérald Darmanin et Bruno Darmanin ont haussé le ton ces derniers jours après qu'un conducteur a percuté un pompier en Haute-Savoie.

La tragédie de trop? Un sapeur-pompier est entre la vie et la mort depuis samedi après avoir été percuté volontairement par une voiture impliquée dans un rodéo urbain à Évian-les-Bains (Haute-Savoie). Ce drame est arrivé une semaine après un autre rodéo sauvage ayant débouché sur l'agression d'un élu en Gironde.

Si le phénomène n'a rien de nouveau, le préfet de police de Paris Laurent Nunez a expliqué sur Cnews fin avril "être à +25% d'interpellés au titre des rodéos ces 6 derniers mois". Selon les derniers chiffres publiés en 2024, près de 18.000 interventions sur des rodéos ont été réalisées par la police nationale en 2022.

• Ce que dit la loi

Le rodéo urbain est défini par le code de la route depuis 2018 comme "le fait d’adopter," au moyen d'un véhicule motorisé "une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence (...) dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique".

Parmi les faits régulièrement constatés par la police, on trouve des acrobaties à deux-roues, des zigzags dangereux, des emprunts de trottoirs... Les auteurs de ce type de délit peuvent se voir infliger une peine d’un an d’emprisonnement, 15.000 euros d’amende ainsi que la perte de six points sur le permis de conduire.

Dans les cas les plus graves, le permis peut être suspendu pour une durée pouvant atteindre trois ans, voire être définitivement annulé. En cas de récidive, les personnes encourent jusqu'à trois ans de prison et 75.000 euros d'amende.

Le code de la route prévoit également la confiscation du véhicule avec lequel le rodéo a été effectué. "Le juge a l'obligation de prononcer cette confiscation sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée", peut-on y lire.

Enfin, des circonstances aggravantes comme un taux d'alcoolémie qui dépasse la réglementation ou la consommation de stupéfiants peuvent augmenter les peines encourues.

Quant aux personnes qui "incitent ou font la promotion" des rodéos urbain sur les réseaux sociaux notamment, elles encourent une sanction de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Le nombre de condamnations a plus que doublé entre 2019 et 2023 (+ 111 %). Le nombre de condamnations visant au moins une infraction de rodéo urbain a été multiplié par t en cinq ans, passant de 651 condamnations en 2019 à 1.940 en 2023, indique le ministère de la Justice.

• Pourquoi c'est compliqué de lutter contre les rodéos urbains

En dépit de la loi de 2018 créée sur mesure pour réduire le nombre de rodéos urbains, le phénomène ne semble pas être endigué. Parmi les éléments qui expliquent la difficulté à lutter contre ces rassemblements, on trouve d'abord la question des sanctions qui ne sont pas toujours appliquées.

Le rapport de la députée Renaissance Natalia Pouzyreff pointe ainsi du doigt la faiblesse du nombre de confiscations des véhicules. La mesure est théoriquement obligatoire mais elle n'intervient en pratique que trop rarement". En 2022, près de 3.000 véhicules utilisés lors de rodéos motorisés avaient cependant été saisis, précise le ministère de la Justice.

Quant à l'intervention directe des forces de l'ordre pendant les rodéos pour les interrompre et procéder immédiatement à des interpellations, elle est seulement possible à Paris et dans les départements limitrophes (Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis).

La pratique n'est d'ailleurs "pas sans risque", souligne encore l'élue Renaissance, comme l'a prouvé le cas du sapeur-pompier à Évian-les-Bains. En juillet 2021, trois policiers avaient été blessés par un tir de mortier dans le Val-de-Marne alors qu'ils étaient en train de pourchasser un véhicule en plein rodéo urbain. Une chasse des véhicules impliqués par la police peut également mettre en danger d'autres utilisateurs de la route.

• Ce que proposent les politiques

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a promis ce dimanche sur RTL de prendre "dans quelques jours une nouvelle instruction pour généraliser les poursuites sur les rodéos". Concrètement, cela signifie qu'il sera demandé aux policiers et aux gendarmes partout en France de prendre en chasse les véhicules concernés, mais sans que le détail du fonctionnement de cette mesure ne soit précisé par Bruno Retailleau.

Avec de sérieux freins: au-delà de la crainte d'accidents, le rapport de la députée Renaissance Natalia Pouzyreff souligne "l'existence de plusieurs doctrines d'intervention sensiblement différentes" entre la gendarmerie et la police, "ce qui nuit à l'efficacité de la prise en charge lorsque les contrevenants changent de territoire".

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a de son côté adressé une circulaire aux procureurs, les enjoignant à confisquer le véhicule utilisé lors d'un rodéo urbain, comme le droit le permet déjà.

Alors que les procureurs peuvent hésiter à aller dans ce sens, compte tenu du coût de l'immobilisation des véhicules en fourrière, le garde des Sceaux demande aux magistrats de signer des protocoles avec les collectivités "pour favoriser la prise en charge à titre gracieux".

La députée Christelle d'Intorni, l'une des proches d'Éric Ciotti, désormais allié avec Marine Le Pen, a déposé de son côté une proposition de loi en octobre dernier pour durcir les sanctions.

Ce texte prévoit de faire passer les peines encourues d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende pour un délit. En plus du renforcement des sanctions, l'élue propose également l’annulation automatique du permis de conduire des contrevenants.

Enfin, elle appelle à utiliser la méthode du "contact tactique" qu'utilisent les policiers britanniques. Ce dispositif permet aux forces de l'ordre de stopper les véhicules suspects en établissant un contact direct lors des poursuites.

À gauche, l'heure est plutôt à demander que les règles existantes dans le code pénal soient appliquées. "Monsieur Retailleau est dans une sorte de concours Lépine permanent", a regretté le président des députés PS ce lundi matin sur Public Sénat, défendant "l'application des sanctions encourues".

Marie-Pierre Bourgeois