Quatre mois après son interpellation, Théo se sent "comme sur un parking, en attente"

Théo avait été grièvement blessé lors d'une intervention policière, le 2 février 2017. - Capture BFMTV
Il avait été violemment frappé et grièvement blessé lors d’une intervention policière à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le 2 février dernier. Aujourd’hui, plus de quatre mois après les faits, Théo se confie dans un long entretien pour l’Obs sur sa convalescence, sur sa vie "changée", "bouleversée" depuis les faits.
"Ma vie a changé. Chaque jour, une infirmière vient me faire des soins, vérifier l’évolution de ma cicatrice. J’ai eu une déchirure anale de dix centimètres et une perforation importante du colon, qui m’obligent à porter une poche, peut-être à vie, et qui me fait mal", décrit-il.
Sur les quatre policiers qui l’ont frappé, l’un d’entre eux est mis en examen pour viol pour avoir enfoncé une matraque dans l’anus du jeune homme de 22 ans. Les trois autres sont poursuivis pour violence.
"Le foot était la passion de ma vie"
"Le foot était la passion de ma vie", regrette Théo, qui jouait pour le club Hammoir en Belgique. "J’ai tenté d’en refaire, mais ma blessure me tirait trop et m’a fait souffrir au bout de quelques minutes à peine", explique le jeune homme, qui affirme l'avoir dit aux fonctionnaires de police lors de l’intervention.
Au moment de l'intervention, il "demande encore pourquoi ils font ça". "Je leur dis que je joue au foot en Belgique, que je ne suis pas un voyou. Je ne le serai jamais. Ensuite, je ne pouvais plus parler", relate Théo, qui revient également sur le déroulé des faits.
Le jeudi 2 février, à 16h54, le jeune Aulnaysien sort de chez lui pour rendre service à sa soeur. "Je suis précis parce que je ne voulais pas rater ma série 'Monk' qui commençait six minutes plus tard", explique-t-il. Il devait alors juste apporter à une amie de sa soeur des chaussures achetées pour elle.
Alors qu’il dit bonjour à des connaissances dans le quartier de la Rose des vents, il est pris dans un contrôle d’identité. La situation dégénère et Théo se retrouve seul avec les quatre policiers.
"J'ai pensé, il faut que je me déplace devant une caméra"
"Je sais alors qu’il va m’arriver un truc grave. A l’époque des faits, il n’y avait pas de caméra là où nous nous trouvions. J’ai pensé, il faut que je me déplace pour me retrouver dans le champ d’une caméra située plus loin", confie-t-il.
Le jeune homme raconte s'être pris plusieurs coups, de poings, de pieds, et qu'un agent lui a enfoncé sa matraque dans les fesses. Grièvement blessé, Théo est finalement transporté au commissariat. "C’est un policier du commissariat qui a fait appeler les pompiers", raconte-t-il. "Cet homme m’a dit de m’accrocher, de tenir jusqu'à l’arrivée des secours. Moi, je me voyais mourir sur le sol, attaché au banc."
"Je veux aujourd'hui que les quatre policiers qui m’ont torturé, battu, insulté, enfoncé une matraque dans les fesses, soient condamnés pour les actes barbares qu’ils m’ont fait subir", demande Théo.
"Je veux que cette affaire ait un sens"
"Depuis quatre mois, je ne dors plus que par tranche de vingt à trente minutes. Je ne peux plus faire grand-chose. (...) (Je suis) comme sur un parking, en attente. Je n’ai pas le mental. Je regarde la télé, j’écoute de la musique. Je ne peux formuler aucun projet", se désole l’Aulnaysien.
"S’ils ne sont pas (condamnés), qu’on ne vienne plus me parler d’un pays des droits de l’homme, où règne l’égalité", assène Théo. S'il assure "préférer croire dans le courage de la justice", il veut "que cette affaire ait un sens, que de tels actes ne se reproduisent plus."
"Je souhaite que cesse l’impunité, et que nous soyons tous traités dignement dans ce pays", conclut le jeune homme.