EN DIRECT - Procès du 13-Novembre: "Je vous pardonne", lance un rescapé du Bataclan aux accusés

Des policiers patrouillent le 8 septembre 2021 à Paris devant la salle d'audience spéciale mise en place pour le procès des attentats du 13-Novembre - Alain JOCARD © 2019 AFP
Ce live est terminé
Cette première journée consacrée aux auditions des victimes du 13-Novembre est terminée. Les témoignages reprendront demain et s'achèveront vendredi.
"Je suis là, je vais mieux, je suis une chanceuse", confie Ophélie
Ophélie, une jeune femme rescapée du Bataclan, relit les pages de son journal écrit entre le 13 novembre 2015 et sa sortie de l'hôpital quelques jours plus tard.
De sa voix douce, elle revient sur les événements qu'elle a dû traverser ce soir-là. "Tout s'est passé si vite et si longuement en même temps."
"Je suis une miraculée, j'ai deux vertèbres cassées, mais pas de risque pour ma colonne. C'est là que je suis sorti de mon état hébété pour laisser échapper une joie. J'ai plus de cicatrices que Chuck Norris, Jack Bauer et Rambo réunis. Je n'ai pas honte, je ne vais pas l'exhiber mais je ne la cache pas."
Six ans plus tard, Ophélie ne supporte pas "qu'on lui dise de tourner la page, qu'on lui dise comment vivre sa peur".
Mais "je suis là, je vais mieux, je suis une chanceuse."
"Je pense au 13-Novembre de façon quotidienne", explique Julien
Pour Julien, il a fallu "acepter d'être vivant quand tant d'autres sont restés dans la salle". Juste après les attaques, il se sent toujours menacé."Je vivais dans un appartement au 12e étage qui surplombe une école et je me disais tous els jorus que les terroristes allaient venir. J'ai repris le métro un mois et demi plus tard, j'ai eu tout le temps la main sur un couteau ouvert dans ma poche. Depuis ce soir du 13, j'ai cessé d'aller voir des concerts."
"Je pense au 13-Novembre de façon quotidienne", dit le jeune homme devenu père depuis les attaques.
"Je me suis débarrassé du pic d'anxiété, je vis avec. Je me dis que cette pulsion de vie qui m'a permis de sortir de cette salle, qui m'a permis de travailler, de créer, de voyager, d'avoir ma fille m'accompagne toujours."
"J'attendais de recevoir une balle", confie Julien, rescapé du Bataclan
Julien revenait du Canada pour le travail. Ce soir-là, il rejoint un ami Christophe et sa femme qui avaient prévu d'assister au concept des Eagles of Death Metal. Il était à gauche de la fosse quand l'attaque a commencé, "c'est l'un des éléments qui nous a sauvés".
"Il y a eu d'autres détonations, j'ai été violemment plaqué au sol, coffré, comprimé, sans la moindre possibilité de bouger. A ce moment précis, j'ai décroché, j'avais des sensations détachées de tout continuum."
Julien dit avoir à ce moment-là eu "la certitude que j'allais mourir". "J'attendais de recevoir une balle, j'attendais de mourir, je souhaitais plus que tout ne pas souffrir."
Julien a alors vu une porte s'ouvrir. J'ai marché, rampé, trébuché en direction de cette porte. A ce moment-là, le sol de la fosse n'était qu'un enchevêtrement de corps. J'ai honte d'avoir dû marcher sur ces gens."
"Vous êtes une victime des tirs", rappelle le président Périès à une victime
Un témoignage éprouvant pour Felix. Le jeune homme était lui-aussi au Bataclan. Il a fui les attentats pour l'Australie peu de temps après les attaques. La distance n'y fera rien, les troubles sont trop présents.
"Je ne faisais que travailler. Travailler, rentrer chez moi, pleurer", explique le jeune homme qui avoue avoir consommé trop d'alcool. Avant de commencer une thérapie.
Felix se souvient aujourd'hui qu'il était au milieu de la fosse, qu'il a écrasé tout le monde pour s'enfuir du Bataclan. "Je me suis battu pour me rappeler et maintenant je souhaiterais oublier", souffle le jeune homme, obligé de s'interrompre submerger par l'émotion.
Je ne suis pas sur le banc des accusés, mais c'est une chose qui me hante, tout le temps, tente-il de terminer. Je vis enfermé avec ma culpabilité, je voudrais oublier, je voudrais qu'on oublie ces personnes, je veux qu'on finisse ce procès, et qu'on en parle plus jamais."
Face à Felix en larmes, le président intervient: "Vous êtes une victime des tirs, point."
"Je vous pardonne", lance Guillaume aux accusés
Guillaume conclut son témoignage: "Je vous pardonne mais avec toute la tristesse d'un adulte qui sait que vous lui avez gâché sa vie."
Il lance alors un message à Salah Abdeslam, qui avait proposé aux victimes de se rencontrer si "ça peut les aider".
"Je lui fait une demande à mon tour, puisse-t-il oeuvrer, s'il est sincère dans son repenti, pour que cela n'arrive plus jamais..."
"Mon fils est une victime", regrette Guillaume
Guillaume dit que la naissance de son fils en janvier 2016 "l'a sauvé". "Ma compagne m'a sauvé en ne disant rien au piètre personnage que j'étais à ce moment-là", dit celui qui a quitté Paris pour mettre "le plus de distance possible avec Paris".
Aujourd'hui, Guillaume est conscient des "conséquences" des attentats. "Je sais d'où elles viennent et j'en comprends les raisons", explique-t-il mais ne peut accepter les conséquences pour son jeune fils, âgé de 11 mois le jour des attentats.
Depuis le petit garçon vit avec "un stress post-traumatique". Depuis, il est suivi par une psychologue deux fois par semaine.
"Notre enfant est une victime", insiste Guillaume. J'accepte els conséquences pour moi, mais les conséquences pour mon fils comme si c'était de sa faute ou de la mienne, je ne peux pas l'accepter".
"Tout ce qu'on peut entendre, c'est de la torture", souffle Guillaume, rescapé du Bataclan
Guillaume accompagnait une amie qui fêtait ses 40 ans ce soir du 13 novembre 2015. "J'aimerai lui passer un message, en 2025, pour tes 50 ans, appelles un autre ami", lance-t-il avec humour.
Pourtant Guillaume vit avec la douleur des rescapés. Lorsqu'il entend les coups de feu, il n'a "aucun doute sur 'intention" des terroristes. "J'avais une petite voix dans la tête 'pas moi, pas là', c'était du pur égoïsme, c'était seulement moi qui comptait. Pas une seule fois j'ai pensé à mes enfants, ils n'existaient plus. Je n'ai pas de culpabilité par rapport à ça, mais je me demande comment c'est possible."
Guillaume va voir de nombreuses victimes, tentant de s'enfuir, s'effondrer sous les balles. Puis lui aussi va se lever pour trouver refuge dans une petite salle. "C'est là que je me suis rendue compte que j'avais mal", dit-il, montrant son bras dans lequel il a reçu une balle. Le père de famille va rester dans cette pièce jusqu'à l'interventiond e la BRI.
"On entend que des bruits, des explosions, ce qui me choque c'est que juste un bruit peut vraiment une torture, dit-il. Tout ce qu'on peut entendre, c'est de la torture."
Guillaume va être libéré après l'assaut. A ce moment-là, il regarde dans la fosse malgré les précautions prises par les policiers. "C'était la moindre des choses que je devais à ces gens, j'en suis très content, c'était important de pouvoir le faire."
"90 de nos amis ont été tués", assure le chanteur des EODM
Jesse Hughes dit avoir perdu "90 amis" le soir du 13-Novembre.
"De notre point de vue, tous les gens qui étaient là étaient nos amis. 90 de mes amis ont été tués de manière haineuse devant nous", assure le chanteur.
Jesse Hughes salue également l'accueil des Français qui lui ont redonné le courage de retourner sur scène. Il évoque aussi la défaite des terroriste ce soir-là.
"Ils ont échoué à taire la joie de vivre, le mal n'a pas vaincu, poursuit le musicien. Cette tragédie a pu être transformée en un flanbeau de lumière. C'est pour cela que j'ai pardonné à ces pauvres ames qui ont commis ces actes. Je prie pour que la lumière de notre seigneur jaillisse sur eux."
Avant de conclure en citant les paroles d'une chanson d'Ozzy Osborne: "Vous ne pouvez pas tuer le rock'n roll", en anglais dans le texte.
"Je sentais la mort qui se rapprochait", témoigne Jesse Hughes
Comme Eden Galindo, Jesse Hughes est entièrement vêtu de noir. Le chanteur dit qu'il "apprécie qu'on lui [me] donne l'opportunité de prendre la parole aujourd'hui".
"J'ai été très impatient de ce jour à la cour mais plus ça se rapprochait j'étais plus réticient à venir. Les souvenirs sont plus vagues (...) J'ai commencé à ressentir de la nervosité à mesure que ce jour approchait."
Puis Jesse Hughes revient sur ce 13 novembre 2015. "Nous vivons une histoire d'amour avec Paris et tous les billets avaient été vendus", se souvient-il.
Au milieu de notre concert, j'ai commencé à entendre des tirs. J'ai tout de suite reconnu le son des tirs."
Jesse Hughes quitte ensuite la scène avec Eden Galindo pour partir à la recherche de sa fiancée présente ce soir-là.
"Je savais ce qu'il arrivait, je sentais la mort qui se rapprochait. J'ai eu cette pulsion d 'aller la trouver. Je ne l'ai pas trouvé à l'étage, j'ai commencé à paniquer", souffle-t-il, très affecté par son récit.
Finalement, Jesse Hughes et Eden Galindo retrouve la jeune femme. "Nous avons tous couru pour sauver nos vies avec deux trois personnes. Un ange, Arthur, nous a mis dans un taxi et nous sommes allés dans un commissariat."
"Je ne serai plus jamais le même", souffle l'ex-guitariste des EODM
Eden Galindo poursuit son récit de l'attaque. "On s'est tous mis les uns contre les autres, nous pensions que ça allait s'arrêter mais ça a continué. Ils ont continué à tous tirer en même temps. Ils se sont arrêtés de tirer, ils ont commencé à recharger, tout ça s'est passé un certain nombre de fois."
Puis l'un de leur technicien leur dit: "La prochaine fois que ça s'arrête, on court. Et ça s'est arrêté, on est allé à l'arrière de la scène."
Eden Galindo s'en est sorti, comme les autres membres des Eagles of Death Metal. "Je vis une vie différente, je ne serai plus jamais le même, souffle-t-il, avant de cnclure:
"Je veux juste dire aux familles des victimes que je pense à eux tous les jours et je prie pour eux tous les jours.
"Je pensais que le système de son était en train d'exploser", dit Eden Galindo
Eden Galindo, l'ex-guitariste des Eagles of Death Metal est le premier à prendre la parole. "A vous Monsieur Galindo, Mister Galindo", lance Jean-Louis Périès.
"Nous étions en tournée à Paris, nous étions très heureux d'être à Paris. C'était un super show, tout se passait bien. Tout le monde passait un très bon moment, tout le monde dansait, tout se passait bien", débute le musicien.
Puis Eden Galindo entend les "bruits sourds des fusils". Je ne savais pas ce que c'était je pensais que le système de son était en train d'exploser."
"Jesse, le chanteur était sur le côté de la scène en train de jouer de la guitare, il revient vers moi en courant. Je lui demande ce qu'il se passe. Il me dit 'Ils sont en train de tirer'. J'ai vu des flashs dans la foule. Je voyais des gens à la première rangée qui nous regardait nous, ils n'ont pas vu ce qu'il se passait. J'ai vu leur expression sur leur visage."
"J'ai accepté que j'allais mourir là", témoigne un rescapé du Bataclan
Mathieu est le premier rescapé à prendre la parole. Ce 13 novembre 2015, il n'avait pas de billet pour le concert des Eagles of Death Metal. Il fera tout pour en trouver un en se rendant devant le Bataclan et en achetant un à un homme qui ne pouvait assister au concert.
Quand il entend les premiers tirs, il pense "à un réglement de comptes". Puis "j'ai compris qu'il fallait me cacher.
"J'entendais tout, les cris, les cris de panique, de terreur, les suppliques, je suis entré dans une autre dimension, une dimension dramatique et historique."
Puis Mathieu se met "à attendre et qu'il jouait en ma faveur". Puis l'homme d'une quarantaine d'année raconte avoir entendu "un des terroristes égréner le décompte macabre".
"Quand les tirs se sont rapprochés, j'ai accepté que j'allais mourir là, puis les tirs se sont éloignés. Parmi les sons, j'entendais le râle de souffrance d'un homme à quelques mètes de moi et j'entend les armes qu'on recharge."
Les Eagles of Death Metal attendus aujourd'hui
Le chanteur du groupe Jesse Hughes et l'ex-guitariste Eden Galindo sont attendus à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris afin de témoigner des horreurs vécues, après une brève audition liée à l’une des terrasses ciblées par les terroristes.
Leur avocate Me Josserand-Schmidt a indiqué à l'AFP que ses clients, "ont comme d'autres victimes, ils vivent avec leurs souvenirs douloureux, leur trauma".
"Ils se traînent avec les années un sentiment de culpabilité majeur, c'était leur concert", a-t-elle ajouté.
La parole aux victimes, pour la dernière fois
Les victimes et proches de victimes vont avoir la parole pour la dernière fois à partir de ce mardi. 69 rescapés et familles de disparus doivent témoigner toute cette semaine.
Il s'agit de parties civiles qui n'avaient pas pris la parole lors du procès en octobre dernier.
Retrouver notre article sur cette deuxième session de prise de parole des victimes ici.
En raison de la suspension, et pour éviter de prendre trop de retard, il était initialement prévu que les parties civiles aient la parole jusqu'à jeudi avant la plaidoirie de leurs avocats. Ce qui consistait à entendre une vingtaine de personne par jour.
Leurs avocats se sont mis d'accord pour leur laisser la journée de vendredi afin de leur laisser davantage de temps pour s'exprimer. Les plaidoiries des parties civiles débuteront lundi prochain.
Le procès doit reprendre ce mardi
Sauf surprise de dernière minute, le procès des attentats du 13-Novembre doit reprendre ce mardi après-midi.
Il y a dix jours, le président Jean-Louis Périès avait été contraint de suspendre les débats pendant une semaine alors que l'un des accusés, Farid Kharkhach, avait été testé positif au Covid.