"Dans ces quatre minutes, vous avez tué Maëlys?": les derniers moments de Maëlys revécus devant la cour d'assises

Représentations de Nordahl Lelandais devant la cour d'assises de Grenoble. - Benoît Peyrucq
Il aura fallu les toutes dernières minutes de l'audience de ce vendredi pour que Nordahl Lelandais craque et avoue ce qu'il a refusé d'avouer pendant quatre ans et demi d'instruction, deux semaines de procès et 5h30 d'interrogatoire. Oui, il a enlevé Maëlys de Araujo lors d'une fête de mariage et oui il l'a tuée "volontairement" ce 27 août 2017.
- "Est-ce que tu reconnais qu’une petite fille qui monte dans ta voiture à 3h du matin, c’est un enlèvement?", lui demande son avocat Me Jakubowicz.
- "Oui maître."
(...)
- "J’aimerais que tu le dises clairement. Que tu assumes tes propos. Que cette famille entende de ta bouche l’intégralité des faits qui te sont reprochés?"
- "Je reconnais l’intégralité des faits qui me sont reprochés."
"Dans ces 4 minutes, vous avez tué Maëlys?"
Pourtant, depuis le début de son interrogatoire par la cour d'assises de l'Isère, tous se sont heurtés à la résistance de Nordahl Lelandais, enfermé dans sa version d'une mort avec "des coups volontaires" mais sans "intention" de tuer la victime. Présidente, avocat général, avocats, tous ont tenté d'obtenir une explication à son geste, en vain. Une réponse à un pourquoi alors que le maître-chien maintenait que la petite fille était montée volontairement dans son véhicule pour aller voir ses chiens
- "Qu'est-ce qui se passe dans la voiture?", le presse Valérie Blain, la présidente de la cour d'assises.
- "C'est à 4 minutes après votre départ, 4 minutes, puisque vous dites que c'est après le Super U, c'est toujours ça?"
- "Oui"
- "4 minutes après le départ, à la demande de la petite Maëlys pour aller voir les chiens, vous lui portez les coups qualifiés par le légiste d'extrêmement violents. Dans ces 4 minutes, vous avez tué Maëlys?"
- "Si vous me dites que c'est ça, oui."
"Pourquoi, pourquoi, pourquoi", entend-on dans la bouche de toutes les parties face à un accusé qui parlait encore d'"accident" et assurait en début d'audience "ne pas avoir voulu" la tuer . "À ce moment-là, j'ai eu un ressenti, je ne sais pas comment l'expliquer. Quelque chose qui est monté en moi de ce qui s'est passé en 2017. Comment expliquer l'inexplicable, des sentiments mélangés, on ne sait plus où on est, ce qu'on fait", tente d'avancer Nordahl Lelandais. Il fait alors référence au meurtre d'Arthur Noyer dans la nuit du 11 au 12 avril 2017, pour lequel il a été condamné à 20 ans de prison.
"La peur de ce qui s'est passée avant, explique-t-il un peu plus tard dans l'après-midi. C'est difficile d'expliquer ce moment. Je ne sais pas si je peux dire que ce moment est une hallucination, je ne sais pas expliquer le mot. C'est une remontée d'émotion et malheureusement c'est cette petite fille qui en a subi les conséquences."
"Je vous crois"
Certains tentent la manière forte pour le faire craquer en le confrontant aux éléments du dossier. Pourquoi s'est-il mis en mode avion à 2h46, le presse Me Armel Juglard, l'avocat de la mère de Maëlys. Nordahl Lelandais, visiblement agacé, assure que c'est parce qu'il venait de se rendre compte qu'il avait bu, pris de la cocaïne et emmené une petite fille dans sa voiture. Alors Me Yves Crespin tente la manière douce face à un accusé qui "comprend" qu'on le croit plus après ses différents mensonges tout au long de l'affaire.
"Ca fait longtemps que vous êtes sur le grill, je vais vous surprendre, moi je vous crois", lui lance l'avocat de l'association L'Enfant bleu, en vain.
D'un ton monocorde, Nordahl Lelandais est revenu sur le déroulé de cette soirée. Il est revenu sur son premier échange avec Maëlys, autour d'une photo de chiens, une fillette qui aurait "insisté" pour aller les voir, puis les coups, et enfin l'abandon de son corps dans le massif de la Chartreuse. Répondant à toutes les questions, il affirmait très souvent "ne pas savoir" ou "ne pas se rappeler" des moments cruciaux.
- "Quels sont les derniers mots qu'elle dit", lui demande la présidente.
- "À ce moment-là, il y a un silence (...) j'ai pas de souvenir de ce qui se dit, ce qui se passe"
- "Elle crie?"
- "Non y'a pas de cris"
- "Elle demande à retourner à la salle des fêtes?"
- "Je me souviens plus exactement, je sais plus ça. Je suis désolé j'aimerais vraiment vous dire. Certainement elle m'a dit..."
La cour d'assises et les jurés n'en sauront pas plus. Pourquoi ne l'a-t-il pas ramené à la fête de mariage si la petite fille en avait fait le souhait? Il craignait la réaction des proches de la fillette. Mais surtout, la cour a cherché à faire craquer l'accusé pour savoir s'il avait abusé de Maëlys au cours de cette soirée. "Je n'ai eu aucune intention malsaine", maintient-il. Il est certain que cette interrogation sera encore au coeur de la troisième semaine de ce procès qui reprend lundi.