Parcours chaotique, troubles psychiatriques: qui est l'homme suspecté du meurtre du prêtre en Vendée?

Connu de la justice pour avoir avoué être l'incendiaire de la cathédrale de Nantes en juillet 2020, Emmanuel Abayisenga s'est accusé lundi auprès de la gendarmerie du meurtre du prêtre Olivier Maire à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), commune se situant à une quinzaine de kilomètres de Cholet (Maine-et-Loire).
Âgé de 40 ans, le suspect, d'origine rwandaise, a été placé en garde à vue dans la foulée, avant que la mesure ne soit levée lundi soir pour "incompatibilité avec son état de santé", selon des sources concordantes à BFMTV. L'individu a été interné en psychiatrie.
Une enquête a été ouverte, confiée au parquet de La Roche-sur-Yon. Les éléments depuis sa première mise en cause par la justice pour l'incendie de la cathédrale de Nantes, ainsi que son passé antérieur, témoignent d'un suspect de confession catholique au profil erratique, en proie à des troubles psychiatriques.
Séjours en hôpital psychiatrique
C'est en juillet 2020 qu'Emmanuel Abayisenga, sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), apparaît dans les radars de la justice. Il fait partie d'une équipe de bénévoles chargés de veiller sur la sécurité de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes. Le 17 juillet, il est chargé de fermer le bâtiment le soir. Vers 7h45 le lendemain, des flammes sortent de l'édifice et des passants donnent l'alerte. L'enquête mettra au jour trois départs de feu distincts. Une semaine plus tard, Emmanuel Abayisenga passe aux aveux devant le juge d'instruction.
Placé en détention provisoire pour "destructions et dégradations par incendie", l'homme ressort le 31 mai 2021 sous contrôle judiciaire, en attente de son procès. Il est alors accueilli et hébergé par la communauté des Montfortains, dirigée par le père Olivier Maire. Dans la perspective d'un procès, la mesure d'OQTF édictée par le préfet n'est pas exécutable.
Le 20 juin, peu après sa libération, Olivier Maire alerte la gendarmerie qu'Emmanuel Abayisenga "voulait quitter son hébergement" contraint, a indiqué lundi Yannick Le Goater, vice-procureur de La Roche-sur-Yon. Hospitalisé en psychiatrie, il est à nouveau hébergé par la communauté des Montfortains à sa sortie, le 29 juillet.
Un homme "complètement hagard" en prison
Si l'homme n'a pas de profil terroriste, selon le parquet, il semblait souffrir de graves troubles psychiatriques. Arrivé en France en 2012, l'homme était adolescent au Rwanda lors du génocide.
"Son père et son oncle (...) ont été condamnés pour leur participation au génocide. Il est issu d'une famille hutue lui-même. Il avait 12 ou 13 ans au moment du génocide, il n'y a pas pris part mais c'est un premier traumatisme dans sa vie", évoque sur BFMTV Héloïse de Neuville, journaliste pour le quotidien La Croix qui a enquêté sur le profil de cet homme.
Selon ses investigations, Emmanuel Abayisenga devient ensuite policier. En 2012, alors qu'il nourrit des projets de départ de son pays natal, il arrive en France "marqué à la fois psychologiquement et physiquement", en raison de problèmes de santé, "de surdité et de vue", indique la journaliste.
Héloïse de Neuville explique qu'à son arrivée, il gravite dans le giron de la communauté catholique. Il est hébergé par des franciscains, effectue de petits travaux pour le compte de membres de la paroisse. Le 31 décembre 2018, le sacristain est agressé devant la cathédrale de Nantes, "probablement par un marginal". Un point de bascule, pour Héloïse de Neuville, qui estime alors qu'"il 'disjoncte' et verse dans une forme de paranoïa".
En prison, les personnes qui le visitent font état d'un homme "complètement hagard", rapporte la journaliste. "Son avocat m'avait confié qu'il était très atteint psychiquement, il avait fait déjà plusieurs séjours en prison dans l'unité psychiatrique", ajoute-t-elle.
"Très en retrait"
"Les personnes qui l'ont approché quand il était en prison nous ont parlé d'un homme qui était prostré dans sa cellule, très marqué, et visiblement qui avait peur de ne jamais en sortir", corrobore sur notre antenne Xavier Le Normand, également journaliste à La Croix, soulignant des problèmes psychiatriques "très prégnants".
Auprès de BFMTV, Étienne, jeune paroissien nantais qui a côtoyé le suspect, fait part de sa stupeur. Il se souvient d'un homme "plutôt petit, timide. (...) Je le voyais aussi en aube, ou lors de repas. Il ne parlait pas beaucoup, il était très en retrait", témoigne-t-il.
Ouverte pour "homicide volontaire", l'enquête devra désormais s'attacher à éclaircir les nombreuses zones d'ombre de cette affaire, jusqu'à l'issue fatale.