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"Pas efficaces", "déconnectées"... Les policiers sceptiques face aux propositions contre les armes blanches chez les mineurs

Un couteau dans la main d'un homme - Illustration

Un couteau dans la main d'un homme - Illustration - Flickr

Les mesures présentées par la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Naïma Moutchou, face au fléau des armes blanches chez les mineurs divisent au sein des syndicats de police.

Propositions jugées "déconnectées" d'un côté, "rapport qui a le mérite d'exister" de l'autre. Le rapport sur les mineurs et les armes blanches, portée par la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Naïma Moutchou, reçoit un accueil mitigé auprès des syndicats de police.

"Il y a une volonté purement politique de répondre à la problématique de la violence des jeunes avec quelque chose qui n'est pas efficace", tranche Benjamin Camboulives, porte-parole du syndicat Alternative police, auprès de BFMTV.com. "Ce sont soit des faux sujets qui sont traités, soit les mesures sont pas suffisamment importantes."

Vidéosurveillance devant les écoles, interdiction des "couteaux zombies"... Ce jeudi 29 mai, la vice-présidente de l'Assemblée nationale a détaillé sur BFMTV-RMC son rapport sur les mineurs et les armes blanches. Un rapport qui résulte d'une mission portée par Naïma Moutchou et l'ancien préfet de Savoie François Ravier à la demande du Premier ministre après l'attaque mortelle au couteau dans le lycée Notre-Dame de Toutes-Aides de Nantes le 24 avril.

"Déconnectées du réel"

Naïma Moutchou souhaite notamment interdire à la vente, dans un premier temps, les "couteaux zombies" tant pour les mineurs que pour les majeurs en classant cette arme en catégorie A. "Ça nous donne des moyens supplémentaires", relève Jean-Christophe Couvy, secrétaire national d'Unité police. "Quand on va faire une palpation et qu'on va découvrir que le mineur est armé, ça nous donnera un instrument juridique de plus pour pouvoir le présenter devant la justice."

"On ne va pas contrôler tous les mineurs pour vérifier s'ils ont un couteau", martèle de son côté Benjamin Camboulives, évoquant "des propositions déconnectées du réel" dans ce rapport. Lequel "pointe directement, physiquement, le couteau comme s'il était le problème", selon le syndicat.

"On veut interdire l'objet or le problème, c'est la violence. Il ne faut pas s'intéresser au couteau, mais à celui qui le tient et se demander aussi pourquoi il le tient", argumente de son côté Benjamin Camboulives.

"Il faut traiter les causes de la violence, mais souvent on s'intéresse aux conséquences", estime également Jean-Christophe Couvy, secrétaire national d'Unité police qui salue "un rapport qui a le mérité d'exister en fixant un état des lieux que l'on signale depuis des années".

"Le couteau est un moyen d'expression de la violence. Imaginons qu'on soit aux États-Unis, il y aurait peut-être plus de morts par arme à feu. Le couteau, c'est le moyen le plus facile pour un jeune de se procurer une arme."

Interdire les couteaux aux mineurs n'endiguerait pas le problème selon les syndicalistes. "Personne ne va contrôler qu'un mineur achète un couteau dans un hypermarché", analyse Eric Henry, délégué national Alliance, pointant également la facilité pour les mineurs d'acquérir une arme blanche grâce, notamment, aux réseaux sociaux.

"Se tromper de combat"

"La loi va prévoir les couteaux et les machettes, les jeunes vont se tourner vers le cutter. À chaque fois on va contourner le problème", estime de son côté Jean-Christophe Couvy. "

"Ce n'est pas parce que vous empêchez l'accès à un type de couteau qu'il n'y aura plus d'accès aux armes chez les mineurs délinquants. C'est se tromper de combat", affirme de son côté Benjamin Camboulives. "Quand bien même vous interdisez les "couteaux zombies", dans n'importe quel tiroir de cuisine, il y a des couteaux qui sont immenses. Vous n'allez pas pouvoir les interdire", ajoute-t-il.

Légiférer sur le fléau des armes blanches chez les mineurs, c'est aussi se poser cette question: pourquoi les jeunes adolescents sortent-ils armés? Interrogé par les équipes de Ligne Rouge, un enfant de 12 ans avait expliqué les raisons qui le poussent à sortir avec un couteau. "C'est pas pour faire joujou ou pour faire beau. C'est plus pour me défendre, on ne sait jamais si je tombe sur 4-5 personnes je sais que je ne peux rien faire (...) Je ne suis pas un tueur ou quoi, mais il faut se protéger, c'est tout", affirmait l'adolescent.

"Sur le terrain, quand on les interpelle, ils nous disent systématiquement que c'est pour se défendre, que ce n'est jamais pour attaquer, mais se défendre", confirme Jean-Christophe Couvy. "Ils disent qu'ils ont peur d'une autre bande ou alors d'être embêtés à l'école."

L'école a sa place dans le rapport. Naïma Moutchou préconise la mise en place de la vidéosurveillance dans les établissements scolaires. "C'est un outil supplémentaire, il ne faut se priver d'aucun moyen", a souligné la vice-présidente de l'Assemblée nationale sur BFMTV-RMC.

"La proposition de mettre des caméras devant les établissements scolaires, c'est une bonne idée pour nous, car on n'arrête pas de dire qu'il faut aujourd'hui utiliser la technologie pour nous aider à lutter contre la délinquance", analyse Jean-Christophe Couvy qui reste toutefois prudent après la décision du Cnil.

La commission nationale de l'informatique et des libertés exige en effet depuis le 20 mai dernier que Christian Estrosi, le maire de Nice, débranche les caméras de surveillance algorithmique mises en place devant les écoles.

Réponse pénale plus ferme

Benjamin Camboulives juge de son côté "pertinente" la volonté de sécuriser les établissements scolaires. "C'est pertinent de demander à l'Éducation nationale de prendre en charge la sécurité intérieure." Selon lui, à la vidéo devrait s'ajouter un vigile. "La vidéo, c'est bien, mais on constate que sans personnel physique prêt à intervenir, ça ne sert à rien."

Pour les deux syndicalistes, face au fléau des armes à feu chez les mineurs, la politique pénale doit être plus ferme. "Il va falloir donner des courtes peines de prison, pas forcément de la prison au sens large où on envoie les jeunes dans des centrales, mais vraiment un lieu fermé sur 15 jours. Ce n'est pas désociabilisant", tranche Jean-Christophe Couvy.

"Alliance est la première organisation syndicale à avoir demandé la mise en place de courtes peines, rappelle Eric Henry. "Ça, ça marche dès que le jeune commence son cheminement délinquant pour éviter qu'il s'ancre dans la délinquance". Et de conclure: "là où il faut travailler, c'est aussi sur l'éducation, la responsabilisation parentale et les sanctions parentales."

Charlotte Lesage