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Police-Justice

Ouverture du procès de la filière djihadiste de Cannes-Torcy

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- - Des témoins se couvrent le visage à leur arrivée au procès de la cellule djihadiste de Cannes-Torcy JACQUES DEMARTHON / AFP

Le procès devant la cour d'assises de Paris des membres de la filière djihadiste de Cannes-Torcy, s'est ouvert jeudi. Vingt hommes sont accusés d'avoir appartenu à cette filière, d'avoir commis un attentat et d'en avoir projeté plusieurs autres, notamment contre des militaires et des membres de la communauté juive.

Attentat contre une épicerie casher en 2012, projets d'attaques contre des militaires et départs en Syrie : le procès de vingt hommes, suspectés d'appartenir à la filière djihadiste dite de Cannes-Torcy, s'est ouvert jeudi matin devant la cour d'assises spéciale de Paris.

Trois ans avant les attentats de Paris de 2015, cette cellule avait été décrite par les services antiterroristes comme la plus dangereuse démantelée en France depuis les attaques du GIA algérien dans les années 1990. Une filière qui annonce les mutations du terrorisme français vers le crime de masse au nom d'un djihad inspiré, voire téléguidé de l'étranger.

Son procès s'ouvre dans le contexte d'une actualité brûlante, alors qu'un nouvel attentat djihadiste vient d'être déjoué à quelques jours d'une présidentielle qui se tient pour la première fois sous le régime de l'état d'urgence. 

Pour leur avocat, "une bande de potes qui a déconné"

"Ce procès a une forte dimension pédagogique parce que les attentats qui sont survenus en 2015 étaient déjà écrits. On va comprendre les modes opératoires, les obsessions", a déclaré à la presse Stéphane Gicquel, secrétaire général de la FENVAC, la fédération nationale des victimes d'attentats, partie civile.

Pour Joseph Breham, avocat d'un des accusés, "ce n'est pas du tout un réseau, c'est une bande de potes, une bande de vieilles connaissances dont certains ont déconné".

Vingt hommes, âgés de 23 à 33 ans, originaires de Torcy (Seine-et-Marne) et Cannes (Alpes-Maritimes), sont poursuivis devant la cour d'assises spéciale, chargée de juger les crimes terroristes et uniquement composée de magistrats professionnels : dix sont en détention provisoire, sept sont libres sous contrôle judiciaire et trois sont visés par un mandat d'arrêt, un en fuite et deux soupçonnées d'être en Syrie.

Cinquante-trois jours d'audience

Dans le box, certains sourient, heureux de revoir leurs copains. D'autres sont concentrés, les traits tirés. La plupart d'entre eux encourent entre 30 ans de réclusion et la perpétuité.

Ils sont amis d'enfance ou ont fréquenté les mêmes mosquées, fédérés autour de Jérémie Louis-Sidney, un délinquant aussi charismatique que "fanatique" selon ses proches, qui sera abattu lors de son interpellation. Leurs moteurs : l'antisémitisme et une radicalisation souvent rapide, favorisée par un séjour dans le sud "entre frères" durant l'été 2012.

Cinquante-trois jours d'audience sont prévus, jusqu'au 7 juillet, pour comprendre la genèse et le fonctionnement de ce groupe, dont certains membres, encore fascinés par le djihadiste toulousain Mohamed Merah, se préparaient à des actions ciblées en France mais aussi au djihad en Syrie.

Un procès fleuve, 85 tomes de procédure, 80 témoins et 14 experts, le premier d'une longue série avant celui du frère de Mohamed Merah à l'automne et, plus tard, ceux des filières franco-belges des attentats de 2015.

Un seul attentat sans victime

Le seul fait d'armes abouti du groupe a été nourri par la "haine des juifs" que, selon ses proches, Louis-Sidney avait chevillée au corps : le 19 septembre 2012, à Sarcelles, deux hommes, capuches sur la tête, entrent dans l'épicerie casher Naouri et jettent une grenade. L'engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement qu'un client.

L'enquête est rapide : une empreinte retrouvée sur la cuillère de la grenade permet de remonter à Louis-Sidney. Dans son entourage apparaît Jérémie Bailly, un petit délinquant converti à l'islamisme radical considéré comme "le fidèle lieutenant".

A Torcy, dans un box au nom de Bailly, sont découverts un arsenal et tout le nécessaire pour fabriquer un engin explosif. Bailly reconnaîtra devant le juge que cela devait servir à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes". Accusé d'avoir participé à l'attentat, il nie. 

Soupçonnés de vouloir commettre des attentats de masse

Plusieurs clients de l'épicerie ainsi que des associations sont parties civiles. 

Le 6 octobre 2012, un premier coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de personnes. Les enquêteurs, qui ont saisi armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles, sont convaincus d'avoir démantelé une cellule en plein essor.

Certains "Cannois", dont le Tunisien Maher Oujani, sont arrêtés début juin 2013 alors qu'ils envisagent une attaque imminente contre une caserne dans la Var, tandis que d'autres, de retour de Syrie en 2014, comme Ibrahim Boudina, sont soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat de masse sur la Côte d'Azur. Certains des "Syriens" ayant rejoint les rangs Daesh comme Rachid Riahi, sont toujours recherchés.

G.D. avec AFP