Mouvance incel, saisine du parquet national antiterroriste... Ce que l'on sait de l'attentat déjoué d'un masculiniste de 18 ans

Il est suspecté d'avoir voulu attaquer des femmes. Un homme de 18 ans, interpellé dans la région de Saint-Étienne, a été mis en examen ce mardi 1er juillet par la justice antiterroriste, dans ce premier dossier exclusivement lié à la mouvance masculiniste "incel".
• Suspecté de vouloir s'en prendre à des femmes
Le suspect, Timothy G., a été arrêté à proximité d'un lycée dans la région de Saint-Etienne (Loire) avec deux couteaux dans son sac. Il voulait s'en prendre à des femmes et s'est clairement identifié à la mouvance incel.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a ouvert une information judiciaire ce mardi 1er juillet "à l'encontre d'un jeune homme de 18 ans, se revendiquant de la mouvance incel", a appris BFMTV auprès du parquet confirmant une information de l'AFP.
Timothy G., né en novembre 2006 dans la Loire, a été mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes.
D'allure juvénile et timide, le visage presque glabre et le corps fluet, vêtu d'un tee-shirt bleu marine, il a comparu ce mardi soir devant un juge des libertés et de la détention (JLD) qui a décidé de l'écrouer. Il a été incarcéré à Paris.
"Ce jeune homme est en souffrance, mal dans sa peau. Je ne souhaite pas m’exprimer davantage. Vient maintenant le temps de l’instruction qui devra déterminer les faits exacts qui lui sont reprochés et la qualification pénale qui correspondra", a commenté auprès de BFMTV l'avocate de ce jeune homme, Me Maria Snitsar, précisant que son client n'a pas d'antécédents judiciaires.
• Incel, une mouvance mysogine
La mouvance incel - abréviation anglophone pour les "célibataires involontaires" - regroupe des hommes qui considèrent qu'ils sont seuls à cause des femmes qui ne veulent pas d'eux. Ils nourrissent une haine à leur égard ou envers le féminisme, jugé responsable de leurs échecs.
Cette mouvance, née en Amérique du Nord, "a connu un phénomène de radicalisation importante ces dernières années", explique la police à BFMTV. 40.000 membres ont été recensés en 2017 sur les réseaux numériques.
La mouvance "incel" a été revendiquée par plusieurs auteurs de tueries. En 1989, un homme de 25 ans, revendiqué "antiféministe", avait ouvert le feu à l'école polytechnique de Montréal, tuant 13 étudiantes et une secrétaire, avant de se suicider. Plus récemment, en 2014, Elliot Rogers, a tué six personnes à Isla Vista en Californie aux États-Unis. Cet homme, âgé de 22 ans au moment des faits, est qualifié de "saint" au sein de la mouvance.
Entre 2014 et 2021 au Canada et aux États-Unis, au moins 9 attaques d'incels ont été dénombrées faisant au moins 52 morts et 63 blessés.
La série Netflix "Adolescence", diffusée au printemps et qui a connu un grand succès, a mis en lumière ces influences toxiques et misogynes auxquelles sont exposés les jeunes hommes en ligne. Parmi les personnalités stars dans ces algorithmes figure l'influenceur masculiniste Andrew Tate, suivi par près de 11 millions de personnes sur X et accusé de viols.
D'après une source proche du dossier, le suspect, Timothy G., qui voulait devenir ingénieur a compulsé des vidéos masculinistes, notamment sur le réseau social TikTok.
"Les Incels (...) développent des liens toujours plus forts avec les thèses de l’ultradroite et se démarquent par un racisme, un suprématisme blanc et une homophobie forte", nous souligne une source au sein de la police. "Il est possible de voir cet extrémisme dériver vers voire intégrer la mouvance des groupuscules de l’ultradroite dans le futur."
• Première saisine du Pnat pour une revendication de la mouvance incel
Il s'agit de la première saisine du Pnat concernant un individu se revendiquant exclusivement de la mouvance "incel". Cette notion était apparue jusque-là de manière plus marginale dans au moins deux dossiers traités par ce parquet spécialisé en matière terroriste.
Le premier concerne la mise en examen d'un jeune homme des Hauts-de-France proche de l'ultradroite, soupçonné de projets d'actions violente, mis en examen à Paris le 22 septembre 2023 et écroué. Une source proche du dossier l'avait présenté comme "un jeune majeur instable, frustré" plutôt "qu'un idéologue".
Le second concerne un dossier déjà jugé, qui avait regroupé quatre jeunes, dont l'un voulait partir en Syrie, deux autres glorifiaient Hitler et le nazisme, tandis que tous trois dialoguaient par messagerie cryptée avec une femme rêvant de faire sauter une église.
Deux d'entre eux deux admiraient la théorie du grand remplacement mais aussi plusieurs auteurs de tueries de masse attribuées à l'extrême droite, parmi lesquels Anders Breivik (Norvège, Utøya, 2011, 77 morts), Brenton Tarrant (Nouvelle-Zélande, Christchurch, 2019, 51 morts) ou Dylan Klebold (Etats-Unis, Columbine, 1999, 13 morts).
Timothy G. s'était aussi intéressé à certains de ces faits.