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Police-Justice

Meurtre d'Agnès: dix jours de procès dans la douleur

Matthieu (g.) derrière ses avocats, mardi, au premier jour de son procès.

Matthieu (g.) derrière ses avocats, mardi, au premier jour de son procès. - -

Après dix jours, le procès de Matthieu, le meurtrier présumé d'Agnès Marin, s'achemine vers son verdict, attendu vendredi. Les débats, qui se sont déroulés partiellement à huis-clos, ont été éprouvants.

Le drame laissait présager un procès difficile. Les dix jours de huis-clos devant la cour d'assises des mineurs du Puy-en-Velay (Haute-Loire), avant le verdict annoncé vendredi, auront été douloureux.

A la barre: Matthieu, 19 ans, accusé du viol et du meurtre d’Agnès Marin, une collégienne de 13 ans, en novembre 2011 au Chambon-sur-Lignon, et de l'agression sexuelle d'une autre mineure, un an plus tôt dans le Gard. Deux drames liés, puisque l'adolescent avait intégré l'établissement scolaire où il avait rencontré Agnès dans le cadre de son suivi judiciaire après le premier viol.

"Vulnérabilité psychologique sous-évaluée"

Une semaine durant, deux questions lancinantes auront accaparé les débats. Pouvait-on évaluer la dangerosité de Matthieu? Et y a-t-il eu un dysfonctionnement dans son suivi judiciaire?

En novembre 2010, après quatre mois de détention provisoire, Matthieu avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Claude Aiguesvives, le pédopsychiatre qui l'avait examiné, avait alors conclu à son "absence de dangerosité".

Entendu au premier jour du procès, le médecin a admis que le jeune homme avait alors "une addiction énorme aux stupéfiants et aux jeux vidéo et une vulnérabilité psychologique qui avaient été sous évaluées". Mais selon lui, à l’époque, il "avait confié une réelle empathie pour sa victime". 

Indifférence et détachement

Une image qui tranche avec celle du jeune homme pâle dans le box, resté impassible tout au long du procès. Selon le quotidien régional La Montagne, Matthieu a affiché "indifférence et détachement absolu". Même aux moments les plus éprouvants du procès: lorsque sa mère a quitté la salle d'audience en larmes après avoir témoigné mardi, puis quand l'album contenant les constatations des faits du meurtre d’Agnès a été disséqué par le tribunal.

Hélène Dubost, psychologue qui a examiné l'accusé, avance que Matthieu se considère comme un simple spectateur de ses actes, dénué de tout sentiment de honte et de remords. Mais les experts sont divisés, d'autres ont plutôt souligné des comportements "de type pervers".

Des familles éprouvées

Pour les familles des victimes, le détachement apparent du jeune homme a été très difficile à supporter. Ce mardi, après les dépositions détaillées de trois gendarmes enquêteurs sur le meurtre d’Agnès, le grand-père de l'adolescente a perdu son sang-froid et insulté l'accusé. "Il voit les atroces constatations du crime, il voit les photos du corps de sa petite-fille, il voit l’accusé avoir un profond sentiment d'indifférence. Et il explose", a commenté après coup l'avocat de la famille, Me Szpiner, cité par La Montagne

Une famille d’autant plus affectée qu’elle avait demandé la publicité des débats, "afin que le public sache". C’est la famille de Julie, l'autre victime présumée de Matthieu, qui avait réclamé le huis-clos pour protéger sa vie privée. Un point sensible qui avait suscité des tensions entre les avocats des deux victimes.

Le suivi psycho-judiciaire en question

Autre point douloureux, la question de savoir si le meurtre d'Agnès aurait pu être évité. Vendredi, le directeur central de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), Jean-Louis Daumas, concédait à la barre "une faiblesse", mais se refusait à parler de "faute" dans le contrôle judiciaire de Matthieu. Pour lui, l’éducatrice de la PJJ qui suivait l'adolescent aurait simplement "pu prendre contact plus vite" avec le collège-lycée du Chambon-sur-Lignon, et au eu trop de "distance dans les modalités du suivi psychologique".

Mais pour le président de la Cour, Claude Ruin, il y a eu d'autres insuffisances. Un suivi psychologique avec une pédopsychiatre lituanienne "qui ne maîtrisait pas assez bien le français pour cette prise en charge", puis un psychothérapeute "qui n’en avait ni le titre ni l’expérience" et "qui, pendant neuf mois, n'a jamais abordé les faits" avec son jeune patient. Et "un seul contact" entre la PJJ et l'établissement scolaire entre les deux drames.

Un "florilège abject et indécent de dysfonctionnements" difficiles à entendre pour Frédéric Marin, le père d'Agnès.


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Mathilde Tournier