Les dernières photos du tueur de la rue d'Enghien, quelques heures avant l'attaque

Il est 6h39 ce 23 décembre 2022 quand William Malet est filmé par des caméras de vidéosurveillance en train de sortir de la gare SNCF de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. Cet homme de 69 ans vêtu d'un anorak rouge et d'un pantalon noir, qui tuera trois ressortissants de la communauté kurde à Paris quelques heures plus tard, vient d'arriver via un train pris à la station Châtelet-les-Halles.
Porteur d'un sac en bandoulière noir, le sexagénaire "marche lentement", notent les policiers qui ont examiné ces images. Juste avant de sortir du champ de la caméra à 6h42, rue Ambroise Croizat à quelques mètres de la gare, William Malet s'agenouille devant son sac, semblant ranger les affaires à l'intérieur, à savoir des "chargeurs" comme l'a expliqué le mis en cause lors de ses interrogatoires.

Il réapparaîtra 1 minute 42 plus tard, toujours avec son sac "qu'il peine à porter", précisent les enquêteurs pour la première fois. "Ce sac semble assez lourd et tombe encore une fois au niveau de la pliure de son coude", indiquent-ils encore. Que s'est-il passé dans ce laps de temps où William Malet n'est plus dans le champ de la caméra? Pour les parties civiles se pose aujourd'hui la question d'un éventuel complice qui aurait pu lui fournir des armes.
Une attaque envisagée à Saint-Denis
Au lendemain de l'attaque devant le centre culturel kurde de la rue d'Enghien, la procureure de la République de Paris avait indiqué que le suspect avait un projet d'attaque à Saint-Denis. Pourquoi Saint-Denis? "Parce qu'il y a beaucoup d'immigrés", explique William Malet aux juges d'instruction, lors de son interrogatoire dont BFMTV a pris connaissance. Pourquoi y être allé si tôt? "A la gare, il y a toujours du monde." Pourquoi alors en sortir?
"Je voulais pas tirer dans une gare, en tant qu'ancien cheminot j'allais pas tirer dans une gare."
Déjà condamné pour avoir attaqué à la machette des migrants, interdit de porter des armes - "pour moi, les armes c'était toute ma vie", dit-il aux juges en mars dernier - se présentant comme "déprimé" et suicidaire, William Malet voulait céder à ses "fantasmes sadiques" en "tuant quelqu'un avant de mourir". Pourquoi avoir alors renoncé lorsqu'il s'est rendu à Saint-Denis s'il avait pour projet de passer à l'acte? "J'avais pris un grand sac et un anorak de rechange et arrivé là-bas, ça allait pas parce que les chargeurs du pistolet se baladaient partout", dit-il aux magistrats.
"Je me suis dit 'ça va pas le faire', puis j'ai hésité, en fait j'ai hésité, je suis revenu. (...) Je me suis dit que je pouvais le faire (...) mais je me suis dit 'je vais pas retourner là-bas, je vais aller rue d'Enghien' je savais qu'il y avait le truc des Kurdes."

Attaque ou attentat?
Face aux juges d'instruction, William Malet, mis en examen pour assassinats et tentatives d’assassinats à caractère raciste, évoque spontanément sa volonté de commettre un "attentat" "pour accentuer son [mon] suicide". Un attentat, c'est "tirer sur des étrangers", ajoute-t-il. A la lecture de la définition du terme "attentat", le retraité de la SNCF dit que son passage à l'acte "c'est pas idéologique vraiment". Il se retrouve "vaguement" dans une action visant "à heurter les droits, les grands principes, les traditions".

Faute de monde à Saint-Denis et encombré par son sac, il était rentré chez ses parents dans le IIe arrondissement de Paris avant de se rendre rue d'Enghien où il savait qu'il y avait un centre culturel kurde. Pourquoi vouloir viser cette communauté? "Parce que je ne tolère pas ce qu'ils ont fait avec Daesh (...) ils ont fait un tas de prisonniers et ils les ont pas livrés à Bachar El-Assad (le président syrien, NDLR) et on les récupère en France."
Avant de nuancer ses propos: "C'était pas un attentat, c'était une attaque. (...) Il n'y a pas le côté politique".
Les parties civiles souhaitent que les faits soient requalifiés en acte terroriste. L'expertise psychiatrique de William Malet a conclu "dans une certaine mesure" à une altération du discernement, sans pour autant que le mis en cause soit atteint d'un trouble psychiatrique. A la suite de cette expertise, le parquet de Paris à une nouvelle fois a transmis le dossier au parquet national antiterroriste (Pnat) pour évaluation.

"En l'espèce, il ne résulte ni des déclarations de l'intéressé ni d'aucun autre élément de la procédure que son acte a été conçu et perpétré dans le cadre d'une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, même s'il a de fait suscité un tel trouble", a estimé le Pnat.