L'attaque de Viry-Châtillon, le "déclic" du monde policier en colère

L'attaque de Viry-Châtillon avait suscité la colère dans le monde policier. - BFMTV
C'était le 18 octobre 2016, au lendemain d'une manifestation policière. Jean-Marc Falcone, à l'époque directeur général de la police nationale, se rend au commissariat d'Evry où il a convoqué les chefs de brigade et de la brigade anticriminalité (BAC) de l'Essonne. A la sortie de cet entrevue, le patron de la police se fait copieusement huer par des fonctionnaires en civil mais porteurs du brassard "police". Les agents lui bloquent le passage. L'image est forte et représentative d'un malaise dans la profession.
Cela fait 10 jours que leurs collègues Vincent, Jenny, Virginie et Sébastien ont été la cible d'une violente agression lors d'une mission de surveillance d'un carrefour de Viry-Châtillon où depuis quelques semaines des individus se livrent à des car-jacking. Deux des policiers ont été sérieusement brûlés dans ce guet-apens lancé par une bande d'individus aux visages masqués.
Cette attaque va réveiller la colère d'un monde policier fortement sollicité et éprouvé par les attentats de 2015 et surtout par l'attentat de Magnanville au cours duquel deux policiers ont été tués à leur domicile en présence de leur petit garçon.
Une contestation en dehors des syndicats
Dès le lendemain, le syndicat Alliance Police nationale appelle à une "grève du zèle" et à ne traiter que les urgences et les cas graves. Mais immédiatement, fait rare chez les policiers, la contestation va se construire en dehors des appareils syndicaux.
Dans la nuit du 17 au 18 octobre, 500 policiers en civil se retrouvent spontanément devant l'hôpital Saint-Louis, dans le 10e arrondissement de Paris, où a été pris en charge leur collègue le plus grièvement atteint. La manifestation se poursuit sur les Champs-Elysées: les policiers, en voiture, sirène et gyrophares allumés, sortent alors de leur droit de réserve et s'exposent à des sanctions.
"À cette époque, on a senti un déclic", se souvient Thomas*, jeune policier à l'époque. "L'attaque de Viry-Châtillon a touché massivement, la contestation a pris rapidement. Il y avait un véritable ras-le-bol, c'était la goutte d'eau."
De nombreuses promesses
L'association Mobilisation des policiers en colère se crée. Pendant plusieurs semaine, des rassemblements ont lieu dans plusieurs villes de France. Les policiers exposent à l'opinion publique leur mal-être, dénoncent leur manque de moyens humains et matériels.
Face à cette gronde, le gouvernement de l'époque annonce le déblocage d'une enveloppe de 250 millions d'euros pour des nouveaux équipements. Des véhicules supplémentaires sont promis, des gilets pare-balles, des casques, des visières ou des boucliers doivent être fournis. Des postes devaient être créés.
"Dans les faits, les tâches indues (ces missions qui ne sont pas le cœur du métier des policier, ndlr) ont diminué mais au fil des mois, elles sont revenues", souffle Thomas, policier parisien. "Il y a eu des équipements supplémentaires comme des tenues anti-feu, des cagoules ignifugées. On a obtenu l'anonymat mais uniquement sur les procédures sensibles..."
Des solutions "pansement"
Des zones prioritaires de sécurité comme des zones de reconquêtes républicaines pour lutter contre la délinquance et les trafics ont été lancées avec des moyens humains supplémentaires.
"Jusqu'à Viry-Châtillon, on considérait toutes les agressions des policiers comme quelque chose de normal, on se disait que c'était les risques du métier", affirme Perrine Sallé, porte-parole de l’association des Femmes des forces de l'ordre en colère. "Après l'attaque, on a pu lever certains tabous, mais les réponses apportées ont été des pansements. On ne s'est jamais attaqué au fond du problème."
Les policiers continuent alors de dénoncer des agressions récurrentes. "Il n'y a pas plus de moyens humains et les équipements ne sont pas en état", estime Perrine Sallé. En 2017, un concours photo avait d'ailleurs été lancé par des policiers pour montrer la vétusté des locaux et du matériel.
Au début du mois d'octobre, une "marche de la colère" a rassemblé 27.000 policiers dans les rues de Paris, du jamais vu depuis 2001, pour dénoncer une nouvelle fois la dégradation de leurs conditions de travail. Une nouvelle manifestation de leur colère dans un contexte de hausse du nombre de suicides dans la profession.
*Le prénom a été changé.