"Il savait qu'on ne pouvait rien faire": le témoignage d'une victime présumée de l'ex-ambassadeur du Vatican

Luigi Ventura à Lourdes en novembre 2012. - REMY GABALDA / AFP - - -
C'est un procès pour lequel les plaignants ont dû aller jusqu'à Rome pour qu'il se tienne. Ce mardi, Luigi Ventura, ancien ambassadeur du Vatican en France, est jugé par le tribunal correctionnel de Paris pour "agression sexuelle" après les dénonciations de quatre hommes au début de l'année 2019. Pour trois des quatre victimes présumées, les faits dénoncés se sont produits lors de cérémonies officielles en présence d'élus et de responsables religieux. Pour la quatrième, il s'agissait d'une cérémonie privée.
Benjamin Guy a déposé plainte le 19 février 2019. Il a accepté de témoigner auprès de BFMTV pour dénoncer les faits qu'il a subis, pour toutes les autres victimes et pour s'élever contre "l'impunité" dont disposent, selon lui, les hommes protégés par leur statut.
"Il savait qu'on ne pouvait rien faire au moment des faits, la justice doit dire que les victimes peuvent faire quelque chose et que les agresseurs peuvent être condamnés", insiste le père de famille de 40 ans.
"On ne parle pas de caresses"
Pour lui, les faits dénoncés remontent à janvier 2018, lors de la cérémonie des vœux de la maire de Paris aux autorités civiles, diplomatiques et religieuses. "Je travaillais à la communication numérique et j'étais présent à cette cérémonie pour prendre des photos, confie Benjamin Guy. Des ambassadeurs, des représentants des cultes assistent à cette cérémonie, je me trouve au premier rang, à deux mètres de la maire de Paris et pendant que je suis en train de prendre des photos, je sens quelqu'un se placer à côté de moi."
"La personne pose d'abord une main sur mon épaule puis elle m'agrippe la fesse. On ne parle pas de caresses, on parle de quelqu'un qui m'agrippe la fesse", insiste le plaignant.
La première réaction de Benjamin Guy est d'abord la sidération, dans cette salle des fêtes de la mairie de Paris. "Ce n'est pas le genre de geste auquel on s'attend, se rappelle-t-il. Je regarde alors la personne et je vois un homme âgé, souriant puis je vois le col romain." Le chargé de communication va immédiatement voir ses collègues pour leur raconter la scène qu'il vient de vivre, ces derniers identifient l'homme en question: il s'agit du nonce apostolique, l'ambassadeur du Vatican en France.
"A ce moment-là, je me suis concentré sur la dimension surréaliste des faits que j'ai minimisés, c'était un mécanisme de défense car j'ai le privilège d'avoir pu prendre ça à la légère", reconnaît Benjamin Guy.
Il "utilise sa position de force"
Un an plus tard, le témoignage de Mathieu de la Souchère, lui-aussi employé à la mairie de Paris, fait remonter ce souvenir enfoui. "Mathieu de la Souchère décrit les mêmes gestes, exactement lors de la même cérémonie. Là je me suis dit qu'il ne s'agissait pas juste d'une histoire entre l'ambassadeur du Vatican et moi, mais qu'il se comportait comme cela dans un cadre plus large, avec potentiellement beaucoup de victimes et cela pendant des années", poursuit-il. Jusqu'alors, il pense avoir subi un "attouchement", mais dit avoir compris qu'il a finalement été victime "d'une agression sexuelle" quand il va déposer plainte.
"Cinq personnes rapportent les mêmes faits contre Luigi Ventura, quatre d'entre elles ont porté plainte, et ces faits se sont déroulés sur une période d'un an et demi, c'est la partie immergée de l'iceberg qui va être jugée, estime Benjamin Guy. On peut penser que c'était une pratique systématique chez Luigi Ventura dès qu'il quittait le Vatican."
Au-delà de son cas personnel, Benjamin Guy espère que l'action qu'il a intentée, avec les trois autres plaignants, va "lancer un signal aux autres victimes". "Un an et demi après les faits, il peut se retrouver devant un tribunal, martèle le quadragénaire. Ces personnes utilisent leur position de force pour se permettre ce genre de gestes. Ce n'est pas parce qu'un homme est puissant qu'il peut tout se permettre."