"Il agissait en toute impunité": une victime de l'ambassadeur du pape en France témoigne

Il témoigne à visage découvert. Une manière pour lui de se positionner comme un combattant et non une victime. Mathieu de la Souchère a porté plainte le 24 janvier contre Monseigneur Luigi Ventura, nonce apostolique en poste à Paris. Le jeune homme de 26 ans assure avoir été l'objet d'agression sexuelle, à trois reprises, et devant témoin. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. D'autres voix se sont depuis ajoutées à la sienne pour dénoncer le comportement de l'homme d'Eglise. Des témoignages importants alors que s'ouvre ce jeudi un sommet inédit au Vatican sur les agressions sexuelles dans l'Eglise catholique.
Le 17 janvier dernier, Mathieu de la Souchère, responsable des événements internationaux à la mairie de Paris, est en charge, avec d'autres, d'accueillir les invités pour la cérémonie des voeux aux autorités civiles et religieuses par Anne Hidalgo. C'est à cette occasion que le jeune homme de 26 ans fait la rencontre de Monseigneur Luigi Ventura.
"Tout s’est passé de manière très protocolaire, raconte-t-il à BFMTV. Je l’ai accueilli à la descente de sa voiture, je me présente, 'je m’appelle Mathieu de la Souchère, bienvenue M. l’ambassadeur, est-ce que vous pouvez me suivre?'. Il m’a répondu, c’était très cordial, il était très souriant, il était très sûr de lui et très rapidement il s’est rapproché de moi lorsque nous marchions et il a commis des gestes qui pénalement sont qualifiés d’'agression sexuelle'. Ca s’est reproduit trois fois."
"Il agissait en toute impunité"
D'abord sur le chemin entre la voiture de l'homme d'Eglise et le bureau de la maire de Paris, puis dans l'ascenseur et enfin devant témoins, Monseigneur Luigi Ventura se serait prêté à des attouchements. "Attouchements et mains aux fesses, je trouve vraiment que ça ne représente pas ce que j’ai vécu, insiste Mathieu de la Souchère. Ce sont des mains qui sont posées avec insistance de manière répétée et très forte sur les parties intimes."
"Il agissait en toute impunité, de manière non cachée, de manière très sûre de lui, avec aucune retenue, aucune gêne, et même avec un grand sourire, s'indigne le jeune homme. Il le faisait les yeux dans les yeux."
Face à ces gestes, le jeune fonctionnaire de la mairie reste stupéfait. "La première fois, je suis complètement sidéré, choqué et je suis focus sur ma mission qui est de le conduire jusqu’au bureau de la maire, confie-t-il. Ca se reproduit dans l’ascenseur, je suis toujours sous le choc, je souris bêtement, de manière très crispée parce que je ne sais pas quoi faire." Ce n'est qu'après que Mathieu de la Souchère tente de se sortir de cette situation.
"J’aurais dû rester avec lui dans l’antichambre de la maire jusqu’à son arrivée, c’est ce que veut le protocole, j’ai pris la décision de le laisser là et de rejoindre mes collègues. C’est à ce moment-là qu’il est revenu à la charge et qu’il a commis en public cette troisième agression sexuelle."
Demande de levée d'immunité diplomatique
Passé le moment de sidération, Mathieu de la Souchère décide de porter plainte. Pour lui, qui lutte tant au niveau professionnel que personnel, impossible de ne pas alerter sur les agissements de Monseigneur Luigi Ventura. Il bénéficie d'ailleurs du soutien de sa hiérarchie qui fait un signalement au Quai d'Orsay, étant donné la qualité d'ambassadeur de l'homme d'Eglise. Certains de ses proches ont toutefois exprimé des craintes quant à cette médiatisation des faits. "On m’a expliqué que m’exposer, porter plainte, quand on est jeune, qu’on a 26 ans, quand vous êtes au début de votre carrière professionnelle, ça peut vous nuire", note le jeune homme.