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Police-Justice

Guéant, Seillière... Ces condamnations déjà prononcées par la magistrate victime de menaces après le procès RN

Le tribunal de Paris, le 4 juillet 2023

Le tribunal de Paris, le 4 juillet 2023 - Stefano RELLANDINI

Bien qu'elle n'ait pas pris seule la décision, mais avec deux autres magistrats, la présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris est victimes de menaces "préoccupantes" depuis qu'elle a prononcé une peine d'inéligibilité immédiate de cinq ans contre Marine Le Pen et d'autres membres du Rassemblement national (RN). Qui est cette magistrate qui a commencé sa carrière sur le tard?

"Dans ces conditions, la peine d'inéligibilité apparaît nécessaire." Ce lundi 31 mars, la juge Bénédicte de Perthuis a rendu une décision inédite contre la cheffe de file de l'extrême droite, Marine Le Pen: une peine d’inéligibilité immédiate de cinq ans.

La présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris est depuis victime de menaces "préoccupantes" pour avoir rendu une décision de justice. Des menaces telles que ce mardi 1er avril, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête "sur les propos répréhensibles proférés à l'encontre des magistrats qui ont rendu collégialement la décision dans l'affaire de détournements de fonds publics" du Rassemblement national (RN).

"Je pense que j'aurais adoré ce métier"

À 63 ans, cette magistrate financière d'expérience, qui a dirigé l'entièreté des débats au procès des emplois fictifs du Front national (ex-RN), est une habituée des grands procès. En novembre 2015, elle a annoncé la condamnation de Claude Guéant au procès des primes en liquide au ministère de l'Intérieur. C'est elle, aussi, qui préside le procès des dirigeants d'EADS pour délits d’initiés.

Des procès emblématiques pour cette magistrate, diplômée en expertise comptable, qui commence sa carrière professionnelle loin des prétoires dans un célèbre cabinet d'audit. Sa vocation pour le droit arrive sur le tard lorsqu’elle découvre, par hasard au détour d’une émission de télévision, Eva Joly.

Alors magistrate, Eva Joly, figure emblématique de la lutte contre la corruption et du combat contre l'évasion fiscale, raconte ses journées de travail. La future présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris boit ses paroles.

"Je me suis dit: 'C'est idiot, je n'ai jamais pensé à être magistrate, mais je pense que j'aurais adoré ce métier'", avait expliqué la juge qui a condamné Marine Le Pen à quatre ans de prison dont deux ferme sous bracelet électronique, dans le podcast Tootak. Elle passe à 37 ans les concours de magistrature qu’elle réussit.

D'abord juge aux affaires familiales au Havre (Seine-Maritime), elle devient juge d'instruction à Pontoise (Val-d'Oise) puis rejoint la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, spécialisée dans les affaires financières, comme juge assesseure. Elle devient magistrate placée, c'est-à-dire mobile, puis juge des libertés et de la détention.

Plus tard, elle prend la tête de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris puis redevient juge d'instruction, cette fois au pôle financier. La magistrate reprend de gros dossiers, se penche notamment sur l’affaire des soupçons de corruption autour des mondiaux d'athlétisme au Qatar.

En 2021, elle retrouve la présidence de la 11e chambre. En avril 2022, elle annonce la condamnation de l'ex-président du Medef Ernest-Antoine Seillière pour une gigantesque fraude fiscale dans l'affaire Wendel. En janvier 2024, c'est elle qui prononce la relaxe du ministre Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme.

Prise en considération du "trouble à l'ordre public"

Ce lundi 31 mars, elle a annoncé la condamnation de Marine Le Pen a quatre ans de prison, dont deux ferme sous bracelet électronique, et à une peine d’inéligibilité de cinq ans. Une décision, prise par le tribunal et avec deux autres magistrats, mais très commentée dans les rangs du Rassemblement national. Pour certains, Marine Le Pen a été condamnée parce qu'elle va être candidate à la présidentielle. Pour d’autres, si la cheffe de file du RN a été condamnée, c’est à cause de son système de défense.

Sur le premier point, le jugement ne parle pas de Marine Le Pen en ces termes, mais de tous les potentiels candidats. "Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l'ordre public démocratique qu'engendrerait en l'espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l'élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d'inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l'être par la suite définitivement", peut-on lire dans le jugement obtenu par BFMTV.

Sur le second point, ce n'est pas le système de défense qui est mis en cause, mais l'absence de reconnaissance des faits, même partielle.

Marine Le Pen a annoncé faire appel après le jugement rendu lundi par le tribunal de Paris. Elle avait réclamé dès lundi soir un procès en appel au plus vite. "Il faut que la justice se hâte", avait-elle déclaré. Dans un communiqué diffusé mardi, la cour d'appel de Paris a annoncé envisagé un procès avec "une décision à l'été 2026" pour Marine Le Pen.

Si ces délais sont tenus, cela voudrait dire que ce deuxième procès se tiendrait au plus tard début 2026, et que la décision serait donc rendue de longs mois avant l'élection présidentielle 2027, comme l'ont réclamé plusieurs responsables politiques.

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