Des femmes dénoncent des faits de harcèlements sexuels sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle

Une personne sur les chemins de Compostelle, de Cerdigo à Islares, en Espagne, le 22 août 2009. (photo d'illustration) - José Antonio Gil Martínez / Creative Commons
Parcourir les chemins de Compostelle est un défi physique et psychologique, pour certains spirituels. Mais pour les femmes, à cela s'ajoute également une autre difficulté: celle du risque d'agressions sexuelles.
Dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian, plusieurs femmes témoignent de violences et de harcèlement subis. Pour Lorena Gaibor, fondatrice de Camigas, un forum en ligne qui met en relation des femmes pèlerines depuis 2015, cette situation est "endémique" sur ces célèbres itinéraires de pèlerinage.
"Terrifiant"
Auprès du Guardian, Sara Dhooma raconte qu'en traversant Mieres, une ville du nord de l’Espagne, elle remarque qu'un homme la suit. Elle s'arrête temporairement dans un café mais lorsqu'elle reprend son chemin, cet homme l'attend toujours sur le chemin. Il ouvre alors son pantalon et attrape son sexe en s'approchant d'elle. "Je me suis sentie très, très en danger à ce moment-là", témoigne-t-elle. Elle se réfugie dans une maison pour demander de l'aide. Il s'est avéré plus tard que l'homme avait un couteau et des balles dans son sac à dos, ainsi qu'une condamnation pour viol.
Rosie, 25 ans, marchait dans une forêt du Portugal lorsqu'elle est tombée sur un homme qui se masturbait en la regardant. La police locale n'a pas répondu lorsqu'elle a essayé de les appeler, raconte-t-elle, se souvenant d'un moment "terrifiant".
"Le chemin de Compostelle est vraiment incroyable, parce qu'il est très difficile, physiquement et mentalement. Mais il y a cet élément supplémentaire auquel les randonneuses sont confrontées, cet énorme problème de sécurité, qui affecte complètement leur capacité à relever ces autres défis ou à en profiter comme le font les autres", confie-t-elle au Guardian.
Le harcèlement sexuel est "endémique"
D'autres femmes témoignent auprès du quotidien britannique. Elles font état de harcèlement sur les sentiers ou d'exhibitionnisme, notamment dans les zones rurales peu fréquentées d’Espagne, du Portugal et de France. Plusieurs disent avoir craint pour leur vie.
Une femme raconte avoir résisté à des attouchements non désirés et à des commentaires obscènes de la part de plusieurs hommes, tandis qu'une autre déclare qu'un homme a essayé de la faire monter dans son véhicule.
Selon, Lorena Gaibor ce harcèlement sexuel est "endémique" sur les chemins. "Chaque année, nous recevons des rapports de femmes qui subissent les mêmes choses", indique-t-elle.
Une femme tuée en 2015
Au-delà de ces récents témoignages, d'autres incidents avaient déjà été remarqués ces dernières années. En 2015 notamment, une Américaine de 40 ans a été tuée dans la province de León, en Espagne. Un homme a été condamné à 23 ans de prison deux ans plus tard. Il avait notamment attiré la victime, qui voyageait seule, avec des faux panneaux sur le sentier.
Comme le rappelle The Guardian, l’année dernière, la police espagnole a arrêté un homme de 48 ans accusé d’avoir retenu contre son gré une pèlerine allemande de 24 ans à son domicile et de l’avoir agressée sexuellement. En 2019, la police portugaise a arrêté un homme de 78 ans accusé d’avoir enlevé et tenté de violer une pèlerine allemande.
Et en France aussi. Selon Libération, en octobre 2023, un habitant des Landes a agressé sexuellement une Danoise de 37 ans en lui touchant les fesses et le sexe. En mars 2024, un signalement et une plainte ont été déposés par deux randonneuses pour des agressions sexuelles successives commises dans un gîte près du parcours, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Plus de 400.000 personnes
La police portugaise a déclaré avoir reçu cinq signalements de pèlerins depuis l'année dernière, tous liés à des incidents d'exhibitionnisme. Aucun suspect n'a été arrêté, mais les patrouilles de policiers sont désormais plus régulières.
Un groupe Facebook destiné à ceux qui empruntent les chemins de Compostelle, qui compte plus de 450 000 membres, conseille même directement aux pèlerins de télécharger une application qui permet de contacter directement la police espagnole.
En 2021, le gouvernement espagnol a lancé une campagne avec plus de 1.600 points à travers la Galice où les pèlerines peuvent accéder à des informations en plusieurs langues sur la manière de contacter les services d'urgence.
L'année dernière, un nombre record de 446.000 personnes ont parcouru les chemins, dont 53 % de femmes.