Dénoncer une agression imaginaire, un phénomène pas si rare

L'instituteur de l'école d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, a reconnu avoir inventé son agression au cutter par un homme se revendiquant du groupe jihadiste État islamique, appelé aussi Daesh. Les agressions et délits imaginaires qui ont marqué ces dernières années sont nombreux. Ils peuvent être liés à des histoires strictement personnelles, mais résonnent parfois fortement avec l'actualité.
Pour une mutation ou un arrêt de travail
Dans le milieu de l'éducation, un précédent a eu lieu il y a quelques années. Le principal adjoint du collège Pablo Neruda en Seine-Saint-Denis a été condamné en 2011 à 6 mois de prison avec sursis pour avoir inventé son agression au couteau dans l'établissement en novembre 2007. L'enquête avait établi qu'il s'était lui-même blessé pour être muté à la Réunion.
D'autres agressions imaginaires ont eu lieu sur le lieu de travail des victimes présumées. Le 9 déc 2014, un chauffeur d'autobus de 23 ans est condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir mis en scène son agression avec l'aide d'un collègue, à Goussainville, dans le Val-d'Oise, afin d'obtenir un arrêt de travail. En janvier de la même année, deux employées de la SNCF avaient déjà été interpellées pour avoir mis en scène leur agression à la gare de Soisy-sous-Montmorency afin également d'obtenir des arrêts de travail pour partir en vacances. Elles avaient payé deux adolescents pour qu'ils les frappent sous l'oeil des caméras de vidéosurveillance.
Des victimes fragilisées
Mais les raisons qui poussent à ces faux témoignages sont souvent complexes. En juillet 2014, une ex-Femen tunisienne, 19 ans, dénonce sur Facebook une agression par des islamistes dans le métro à Paris. Reconnaissant son mensonge et disant vouloir "attirer l'attention", le tribunal la condamne le 8 octobre à 1.500 euros d'amende avec sursis, une peine "extrêmement légère par rapport à la gravité des faits", selon la présidente.
Le même été, une jeune femme prétendait avoir été violée à Perpignan. Une marche blanche avait même été organisée en soutien aux victimes de viol, avant qu'elle ne reconnaisse avoir inventé cette agression. Son avocat rapportait alors: "quand elle avait 12 ans, elle a été violée. Personne ne l'a crue. Il semble que, tout à coup, sur une personne qui était fragile, le passé a ressurgi. Et elle a été prise dans un engrenage".
"Au fond, cela pourrait être vrai"
L'argument religieux est souvent avancé dans les affaires d'affabulation. En 2007, une collégienne juive de 13 ans affirme avoir été agressée par trois voleurs, dans l'escalier du métro parisien "Eglise de Pantin", du fait de sa religion. Confondue pour avoir livré plusieurs versions de son récit, elle finit par expliquer s'être accidentellement blessée avec un grillage, sans expliquer son mensonge. Trois ans plus tôt, une jeune femme de 23 ans, est condamnée à 4 mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal de Pontoise pour avoir inventé une agression antisémite dans le RER, provoquant une vague d'indignation dans tout le pays. La jeune femme s'est en réalité auto-mutilée et a dessiné des croix gammées sur son corps.
En 2003, un rabbin parisien de 34 ans, est blessé dans sa synagogue de la rue Pétion (XIe). Il affirme avoir reçu un coup de couteau d'un inconnu casqué qui aurait crié "Allah Akbar". "J'ai eu un réflexe qui a été d'attraper son poignet (...) ce qui me traversait l'esprit à ce moment là c'est que cet homme allait s'acharner sur moi", va-t-il jusqu'à raconter devant les caméras. Pourtant, l'agression sera par la suite mise en doute et le juge d'instruction rendra un non-lieu en mars 2009, faute de charges contre quiconque.
"Souvent, ce qu'ils inventent entre guillemets est lié à l'actualité", explique Roland Coutanceau, expert psychiatre auprès des tribunaux interrogé par BFMTV. "Au fond, cela pourrait être vrai", ajoute-t-il.