"Déception et colère": les associations de victimes de Joël Le Scouarnec déplorent l'absence de la rétention de sûreté

"Le doute profite à monsieur Le Scouarnec". L'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné ce mercredi 28 mai à 20 ans de réclusion criminelle pour les viols et agressions sexuelles commis sur 298 victimes. Il s'agit là de la peine maximale pouvant être prononcée, à ceci près que celle-ci n'a pas été assortie d'une mesure de rétention de sûreté.
Rarement prononcée, celle-ci permet de placer dans un centre socio-médico-judiciaire unique en France - en l'occurrence celui de Fresnes - un criminel qui présente un risque élevé de récidive après la fin de sa peine. Bien que requise par le parquet, Joël Le Scouarnec échappe à cette rétention de sûreté, la cour justifiant sa décision par la "volonté de réparer" de l'ex-chirurgien âgé de 74 ans. Une position qui ne manque pas de faire réagir des associations de victimes.
"Pas de peine exemplaire"
Martine Brousse, présidente de l'association La Voix de l'Enfant, évoque "de la déception, mais aussi de la colère (...) parce qu'il n'y a pas cette rétention de sûreté".
"C'est difficile à entendre quand on nous dit 'il est dans la réparation', quand on a assisté aux audiences et qu'on l'a entendu ou ses avocats dire qu'il dessinait, qu'il peignait, qu'il écrivait ses fantasmes", poursuit Martine Brousse sur BFMTV.
La présidente d'association évoque toutefois "une prise de conscience" grâce à ce procès "exemplaire dans sa tenue, la cour a véritablement pris le temps d'écouter les victimes, toutes les personnes qui étaient à la barre, les experts... Il faut le souligner".
"On ne peut pas parler de procès exemplaire quand il n'y a pas eu de peine exemplaire", estime pour sa part Laurent Boyet.
Une possible libération de l'ex-chirurgien dans quelques années
Le président de l'association Les Papillons juge sur BFMTV qu'"on n'a pas été au bout du bout du maximum de la peine, et ça je dirai que c'est difficile à entendre".
"Oui les victimes ont pu parler et être entendues, oui Joël Le Scouarnec a reconnu les faits sans reconnaître ses victimes. Mais pour autant est-ce que ça veut dire que Joël Le Scouarnec aura payé sa dette à la société quand il sortira sans doute vers 2031? Non je ne crois pas", estime-t-il sur notre antenne.
Détenu depuis 2017, Joël Le Scouarnec peut en théorie demander sa libération conditionnelle dans quelques années, sa condamnation étant assortie d'une peine de sûreté des deux tiers. Une demande qui peut lui être refusée par la justice, mais fait à nouveau réagir.
"On a vu pendant des années le nombre de victimes, on peut se poser des questions", s'interroge Martine Brousse. "Dire qu'il y a moins de risque, qu'il va pas récidiver, qui le sait aujourd'hui?"
"Aucune victoire ou triomphalisme"
Me Maxime Tessier et Thibaut Kurzawa, avocats de Joël Le Scouarnec, répondent qu'"il n'y a aucune notion de victoire ou de triomphalisme" chez leur client qui "n'a pas cherché à se dérober à son sort pénal, qui n'a pas demandé à diminuer sa peine y compris dans sa démarche d'aveux".
"Les experts (...) ont rappelé que risque de récivide ne valait pas certitude de récidive", poursuit Me Maxime Tessier, affirmant "entendre la réaction des parties civiles".
"À nouveau le doute profite à monsieur Le Scouarnec", déplore Martine Brousse, rappelant le parcours "de dizaines et de dizaines d'années de prédateur" de Joël Le Scouarnec.
"Quand on connaît les extraits de ces carnets de l'horreur, quand on a été à ce point toute sa vie un pédocriminel, il ne faut pas croire que cette condamnation va changer quoi que ce soit, ce n'est pas possible", abonde Laurent Boyet.
Pour le président de l'association Les Papillons, il n'y aurait pas eu de procès s'il n'y avait pas eu de plainte déposée contre le chirurgien ainsi qe la découverte de ces carnets: "ce n'est pas Joël Le Scouarnec qui tout d'un coup est allé voir un commissariat de police pour dire 'arrêtez-moi, j'en peux plus, je dois sortir de cette spirale'".