Braquage de Kim Kardashian: l’un des suspects remis en liberté raconte l’affaire

François, la cinquantaine, parle d’une voix assurée. Grand, la carrure forte, il marque de sa présence lorsqu’il nous raconte ses souvenirs, calé au fond d’un bistrot devant un café bien serré. Souvenirs des bons moments passés avec son ami Omar, 60 ans, et son fils “Mimi”, Harminy, toujours prêt à dépanner son père, même en pleine nuit. Un père qui était en cavale depuis 2010 après une condamnation pour trafic de stups, sorte de bandit à l’ancienne qui se terrait sous une fausse identité et vivotait de petits boulots. Souvenirs aussi de ces policiers qui ont débarqué un matin au domicile de François, en région normande, pour l’arrêter.
“J’ai vu des torches dans mon jardin, puis des hommes en arme, qui sont venus me dire “Vous êtes en état d’arrestation, à partir de maintenant vous êtes en garde à vue.” Je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait. D’ailleurs, quand ils m’ont dit que c’était pour l’agression et la séquestration de Kim Kardashian, je me suis dit: “Il y a erreur, il y a erreur d’homme. Ca va se régler rapidement.”
Une image de vidéosurveillance et une amitié douteuse

Rapidement n’est pas le mot. François va passer 96 heures au “36”, mythique siège de la police judiciaire. Questionné par les enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme. Il n’est pas le seul. A ses côtés, 16 autres suspects, dont des connaissances interlopes à lui: “Pierrot”, 72 ans, sa femme, Christiane, et surtout Omar, et son fils “Mimi”. François tombe de haut. Lui jure ses grands dieux qu’il n’a jamais entendu parler de ce “casse du siècle” - 9 millions d’euros de bijoux dérobés à la starlette hollywoodienne trois mois plus tôt -. D’ailleurs, le soir du braquage, il était avec un couple d’amis, loin de Paris, à regarder un match de foot Lyon-Saint-Etienne!
Oui mais voilà, les enquêteurs en sont convaincus, c’est lui que l’on voit sur cette image de vidéosurveillance captée à proximité de l’hôtel braqué, bedonnant, habillé de blanc, la démarche boitillante. Et peu importe si François n’a jamais boité. Et c’est lui aussi que les policiers ont enregistré à maintes reprises en train de parler par téléphone avec Omar après le braquage, sur une ligne de téléphone qu’ils n’utilisaient qu’entre eux.
Or, Omar, surnommé “le papy braqueur” par la presse, est dans le viseur des enquêteurs depuis plusieurs semaines: il a laissé des traces de son ADN dans la chambre d’hôtel de Kim Kardashian. Un coup qui laisse pantois François.
“Impossible d’imaginer ça! Omar, c’est un gentil, il vit un peu à l’ancienne, pas du tout branché nouvelles technologies, loin de l’univers de Kim Kardashian. Il est un peu comme ces personnages d’avant, qui étaient parfois en dehors de la loi, mais toujours avec bonne humeur. Il n’y avait rien de tragique."
Huit mois en détention provisoire
Lors de son interrogatoire de première comparution, Omar le “papy braqueur” passe aux aveux, mais dédouane son ami François, à qui, dit-il à la juge, il n’a jamais parlé de ce casse. “Il savait que ça aurait fait de moi un complice, même en m’en parlant après le braquage ! Donc il ne m’a jamais rien dit”, explique François. Las, il sera mis en examen comme neuf autres suspects. Direction la prison, où il va passer huit mois en détention provisoire.
Huit mois durant lesquels son avocat, Me Abitbol, va s’acharner à le faire sortir, demandant pas moins de 22 actes de procédure supplémentaires à la juge d’instruction. Pendant ce temps, François s’accroche dans sa cellule, échange par courrier avec ses proches, perd vingt kilos -”Ca ne pouvait pas me faire de mal, ça !”-, reste à l’écart des autres détenus. “Je ne peux pas me plaindre, je n’ai pas été ennuyé, même si c’est un monde très violent”. La quatrième demande de remise en liberté sera la bonne. La juge d’instruction accepte de le faire sortir, sans donner d’explication. Toujours mis en examen, François est aujourd'hui sous contrôle judiciaire, et pointe régulièrement dans une gendarmerie près de chez lui. Il a même repris son poste de directeur commercial dans une entreprise normande.
“Mon patron est un gars bien, il m’a toujours cru, et il m’a attendu. Je ne le remercierai jamais assez.”