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Police-Justice

Agression de Roms après la diffusion de fausses rumeurs: jusqu'à 10 mois de prison ferme

Le tribunal de grande instance de Bobigny, mars 2017 (PHOTO D'ILLUSTRATION).

Le tribunal de grande instance de Bobigny, mars 2017 (PHOTO D'ILLUSTRATION). - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Agés de 18 à 22 ans, quatre jeunes comparaissaient devant le tribunal de Bobigny pour leur participation au lynchage d'un individu issu de la communauté Roms à Clichy-sous-Bois. L'un d'entre eux a été relaxé.

Entre "fake news" et "mytho", la vérité a eu bien du mal à se faire une place, ce mercredi à la 18è chambre du tribunal correctionnel de Bobigny. Elle s’est contorsionnée entre les versions des quatre prévenus, jugés pour le lynchage d’une personne issue de la communauté Roms, à Clichy-sous-Bois, le 25 mars dernier.

"Des jeunes prêts à en découdre"…

Comme une meute en pleine chasse à l’homme. Ce soir-là, sur un parking de supermarché de cette commune de Seine-Saint-Denis, des "jeunes prêts à en découdre" conviennent que "la France est menacée par les Roumains", rapporte un témoin. Dans son récit, la juge rappelle le "contexte particulier" de cette fin mars: depuis plusieurs semaines, des fausses rumeurs d’enlèvements d’enfants par des membres de la communauté Roms en camionnettes blanches prolifèrent sur les réseaux sociaux.

Des ouï-dire auxquels les prévenus jurent ne pas avoir été sensibles: "Je crois que ce que je vois", lance Yahya S., cheveux gominés et barbe juvénile. Pourtant, tous les quatre se retrouvent dans cette "scène de chaos" que la procureure qualifie "d’acharnement": un homme, issue de la communauté roumaine, se fait rouer de coups par des individus armés "de pierres, bâtons et pelles."

…Et des méthodes d’interpellation contestables

Alertée par les cris, une patrouille en ronde tente, tant bien que mal, d’intervenir. Mais du fait de la supériorité numérique du groupe, l’interpellation se fait douloureusement. "Wallah on va s’en faire un", entend un témoin. Une partie de la bande prend la fuite, l’autre résiste ardemment. Un fonctionnaire, partie civile mais absent à l’audience, s’accroche avec ses menottes à l’individu le plus virulent. "On était dépassés", essaye un agent. "Ca ne se fait pas", tranche la présidente. L'individu s'est vu prescrire quatre jours d'ITT, deux pour le policier.

Le ministère public en convient, cette violence et "l’irrationalité des comportements" est en "forte discordance" avec le profil général des prévenus. Tous sont insérés professionnellement, entourés et sans addiction. Toutefois, l’un d’entre eux, Abdel S., a déjà dix condamnations à son casier judiciaire pour de la petite délinquance.

La peur des "méchants Roms"

Impulsion? Effet de groupe? Chacun essaye de se justifier, en jurant être tombés là par hasard. "J’allais manger un grec, je suis allé voir par curiosité", "je rentrais du travail"… Mais très vite, la rumeur des réseaux sociaux revient de plus bel dans les débats. Marwen C. s’est rendu au supermarché sur ordre de sa mère pour aller chercher, avec son chien, sa petite sœur qui "avait peur car il y avait beaucoup de Roms."

"Votre sœur a peur parce qu’il y a des méchants Roms dans le supermarché?, interroge avec insistance la présidente, avant d’ajouter: "la rumeur était tellement folle."

Agression xénophobe

Pour la procureure, il n’y a pas de doute, il s’agit bien d’une "agression xénophobe", sur fond de "mythe moyenâgeux" de "Romanichels voleurs d'enfants". D’ailleurs, Merwan C. avait déjà été condamné pour injure raciale. Une responsabilité, juge-t-elle, qui ne doit pas être atténuée par l’absence des victimes à l’audience.

"S’ils n’ont pas commis les faits, ils n’ont pas essayé de les empêcher", abonde Yaël Scemama, l’avocate de la LICRA, constituée partie civile.

En début de soirée, les quatre prévenus ont finalement été relaxés pour le délit de "participation à un groupement en vue de commettre des violences". Pour les faits de violences et de rébellion contre des policiers, des peines de dix mois d'incarcération à huit mois de prison avec sursis ont été prononcées à l'encontre de trois d'entre eux. Faute de preuve, le dernier a été relaxé. 

Esther Paolini