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Police-Justice

Affaire Tapie: la cour de Paris accepte de réviser l'arbitrage aux 403 millions

Bernard Tapie va devoir rembourser les 403 millions qu'il avait perçus grâce à cet arbitrage.

Bernard Tapie va devoir rembourser les 403 millions qu'il avait perçus grâce à cet arbitrage. - Fred Dufour - AFP

La cour d'appel de Paris a accepté mardi de réviser l'arbitrage qui avait accordé plus de 400 millions d'euros à Bernard Tapie, relatif à la vente d'Adidas dans les années 90.

Rebondissement de taille dans l'affaire Tapie. La cour d'appel de Paris a décidé mardi d'annuler l'arbitrage dans cette affaire qui oppose l'homme d'affaires à son ancienne banque, le Crédit Lyonnais. Un nouveau procès se tiendra donc lieu en septembre prochain.

Après cette décision, pour Jean-Yves Garaud, avocat de l'Etat, Bernard Tapie doit rembourser, avant la tenue de ce nouveau procès, les 403 millions d'euros qu'il avait perçus à la suite de cet arbitrage tranché en 2008, relatif à la vente d'Adidas réalisée en 1993. "C'est l'effet juridique d'une rétractation que le bénéficiaire des sommes doit restituer les sommes indûment perçues", commente le conseil.

Une lecture bien différente du côté des avocats de l'intéressé. "L'arrêt décide de rétracter au sens où il rouvre les débats, mais Bernard Tapie n'a pas à rendre l'argent, il peut gagner plus devant la cour d'appel, moins, nous verrons, c'est un débat qui s'ouvre maintenant", assure Me Jean-Georges Betto. 

45 millions pour "préjudice moral"

L'affaire Tapie remonte à plus de 20 ans. En 1992, nommé ministre, l'homme d'affaires décide de se débarrasser de la société Adidas, qui perd alors de l'argent. Il confie cette vente de deux milliards de francs au Crédit Lyonnais. Mais voilà, Bernard Tapie estime quelques années plus tard que la banque, grâce à un montage financier, aurait réalisé une plus-value de plus d'un milliard de francs. C'est le début d'un bras de fer aux multiples ramifications.

Pour tenter de régler ce litige, en 2007, la ministre de l'Economie de l'époque, Christine Lagarde, impose au consortium de réalisation (CDR), l'instance chargée de liquider les actifs du Crédit Lyonnais après sa quasi-faillite, de procéder par arbitrage privé et non par voie de justice. La décision des trois juges, choisis par les parties, est claire: Bernard Tapie a raison en tout point. Le Crédit Lyonnais, dont l'Etat a participé au sauvetage, doit verser 403 millions d'euros, dont 45 millions au seul titre du "préjudice moral", à l'homme d'affaires. 

"Escroquerie en bande organisée"

C'est aujourd'hui cet arbitrage qui est au coeur d'une enquête pénale, ouverte en septembre 2012, dans laquelle six personnes, dont Bernard Tapie et son avocat, Maurice Lantourne, sont mis en examen pour "escroquerie en bande organisée". L'un des juges qui avait tranché en faveur de l'homme d'affaires, Pierre Estoup, est également mis en cause. Les juges financiers soupçonnent que les 403 millions d'euros ont été le fruit d'un "simulacre d'arbitrage" visant à favoriser l'homme d'affaires.

Ces mises en examen avaient incité le CDR à déposer un recours pour demander la réouverture du dossier, dans lequel les plus hautes sphères de l'Etat pourraient être impliquées. Les agendas de Nicolas Sarkozy, président de l'époque, qui avait rencontré à plusieurs reprises Bernard Tapie, ont été récupérés. Pour sa part, Christine Lagarde a été entendue par la Cour de justice la République avant d'être mise en examen pour "négligence" en août dernier.

"Une décision sans précédent"

Du côté de la sphère politique, la décision de cette annulation dans cette affaire politico-financière fait réagir. Le ministre de l'Economie a annoncé "prendre acte avec satisfaction" de l'arrêt de la Cour d'appel. "Cet arrêt marque un tournant : en reconnaissant l’existence d’une fraude, la justice confirme le bien-fondé du choix d’attaquer cette sentence arbitrale, dans l’intérêt des contribuables", a déclaré Michel Sapin, dans un communiqué.

Même son de cloche du côté de François Bayrou. Le président du Modem a salué est "une décision sans précédent pour une affaire sans précédent". Pour le maire de Pau, "la cour d'appel de Paris donne raison sur toute la ligne à ceux qui, depuis des années, ont alerté l'opinion publique sur le caractère insupportable pour un État de droit de l'arbitrage rendu dans l'affaire Tapie en 2008".

J.C avec Sarah-Lou Cohen