Affaire de pédophilie dans la Nièvre: les services sociaux auraient-ils pu mieux protéger les victimes?

- - Wikimedia
Quatre petits garçons victimes de sévices sexuels pendant au moins sept ans de la part de leurs parents et d'un groupe d'amis. Un couple connu défavorablement des services sociaux, des enseignants, de la mairie et du voisinage et à qui l'on avait déjà retiré trois enfants. Un nombre d'infractions - 70 - qui donne le tournis. Le vaste scandale de pédophilie qui a éclaté la semaine dernière, dans une paisible commune de la Nièvre, conduisant à la mise en examen de huit personnes, laisse un certain nombre de questions en suspens et, en premier lieu, celle du rôle joué par les services sociaux, censés assurer une mission de protection des enfants maltraités.
Une famille connue défavorablement
Les problèmes que rencontrait la principale famille mise en cause étaient pourtant connus depuis des années par leur entourage plus ou moins proche. Leurs voisins, à Châtillon-en-Bazois, s'accordent à décrire des parents sans activité, qui buvaient, se disputaient. Les enseignants des deux garçonnets avaient eux aussi constaté qu'ils étaient agités, déconcentrés en classe, voire violents. La maire du village, enfin, décrit "une famille en difficulté", un homme au "passé lourd".
Les services sociaux aussi connaissaient le dossier puisque les trois premiers enfants du couple leur avaient été retirés "au fil du temps", tout comme l'ont finalement été les deux derniers - les victimes présumées - en mai 2017, sur décision d'un juge des enfants. Ce sont leurs instituteurs qui ont donné l'alerte après avoir constaté des traces de coup sur le corps de l'un des petits garçons.
Mai 2017, soit près de dix années après le début des faits selon les premiers éléments de l'enquête. Alors une question se pose: aurait-on pu intervenir plus tôt?
"Les services sociaux ont fait leur travail"
Une chaîne de signalement précise est censée permettre de prendre en charge et de mettre à l'abri les enfants maltraités. Un numéro d'urgence, le 119 "Allô enfants en danger", permet d'abord d'alerter, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, au sujet d'un enfant potentiellement menacé. C'est ensuite la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département qui se charge de traiter les alertes selon leur niveau d'urgence et de saisir, si nécessaire, l'autorité judiciaire.
En conférence de presse mercredi, le conseil départemental de la Nièvre, dont dépendent les services d'aide à l'enfance, se sont voulus rassurants quant au bon fonctionnement des différents services. "La prise en charge (des enfants, ndlr) ne date par d'hier. Ils sont accompagnés depuis longtemps, c'est grâce à ça qu'ils ont pu parler. Les services sociaux ont fait leur travail", a ainsi estimé Alain Lassus, son président.
"Quand nous avons pris conscience de la situation, nous avons saisi la justice", a ajouté de son côté François Karinthi, directeur général des services en question, précisant que "c'est la justice qui place les enfants et ce sont les juges qui décident des mesures d'accompagnement".
"Qu'a fait la maire?"
L'association de défense des enfants "en détresse" La Voix de l'enfant a de son côté fait part mercredi sur Europe 1 de son intention de se porter partie civile dans cette affaire. Sa porte-parole Martine Brousse s'interroge tout particulièrement sur l'attitude de l'édile de Châtillon-en-Bazois.
"Qu'a fait la maire? N'avait-elle pas une obligation d'informer les services sociaux? Ça va être très important que nous puissions voir ce qu'ont fait les responsables locaux et l'entourage de ces familles."
Pour mémoire, le fait de ne pas signaler, quand on en a connaissance, des mauvais traitements ou des atteintes sexuelles infligées à un mineur de moins de quinze ans est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, selon l'article 434-3 du Code pénal.