Affaire Benalla: "Si une menace avait pesé sur un conseiller, on lui aurait attribué une sécurité, pas une arme"

Personne n'est censé mentir devant la Commission d'enquête du Sénat. Les personnes auditionnées prêtent serment et, en cas de parjure, s'exposent à une peine qui peut atteindre cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Pourtant, plusieurs points de l'affaire Benalla donnent lieu à des témoignages divergents, voire totalement contradictoires. Notamment sur le port d'arme du chargé de mission d'Emmanuel Macron, au rôle et prérogatives encore floues à ce stade.
Pour quelle raison précise Alexandre Benalla disposait-il d'une autorisation de port d'arme, refusée deux fois par le ministère de l'Intérieur et finalement accordée par la préfecture de police?
Sa sécurité menacée?
L'intéressé, mis en examen pour plusieurs chefs à la suite de violences présumées à Paris le 1er mai dernier, assure que ce port d'arme était une affaire de sécurité personnelle et non de protection du président.
"J’ai fait une demande à titre personnel d'autorisation de port d’arme pour des motifs de défense et de sécurité personnels", a-t-il martelé devant les sénateurs le 19 septembre dernier.
"Parce que quand vous êtes dans des fonctions à la présidence de la République ou pendant la campagne présidentielle, et on est tous, en tout cas de mon point de vue, on est exposés", a-t-il fait valoir. Précisant ne pas vouloir "rentrer dans les détails" d'une "menace" éventuelle, Alexandre Benalla a souligné son inquiétude d'être "identifié" et de pouvoir être visé à son domicile.
Une version qui ne tient pas pour certains représentants de l'autorité. Michel Besnard, préfet de police et chef du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) entre 2007 et 2012 était auditionné ce mercredi par le Sénat.
"Toutes les années où vous avez été en fonction, vous n'avez eu aucune connaissance d'aucun port d'arme pour aucune personne, quelle qu'elle soit, appartenant au personnel de l'Elysée ou au cabinet, en dehors bien sûr du GSPR et du commandement militaire?", lui a demandé le vice-président de la Commission des Lois (PS) Jean-Pierre Sueur.
"Si une menace avait pesé sur un conseiller, on lui aurait attribué une sécurité"
"Je n'ai jamais eu connaissance de ce type de fait", a assuré l'ancien responsable de la sécurité de Nicolas Sarkozy. "Si une menace avait pesé sur un conseiller, plutôt que de lui attribuer une arme, on lui aurait attribué une sécurité", a complété Michel Besnard.
Mercredi 19 septembre, la version d'Alexandre Benalla avait déjà été mise à mal par l'ex-directeur de cabinet du préfet de police de Paris Yann Drouet. "Ce n'est pas pour sa sécurité personnelle que le port d'arme lui a été octroyé", avait-il déclaré devant la Commission d'enquête du Sénat.
"C'est dans le cadre de ses missions, de sa fonction, de la mission qu'on a considérée comme étant une mission de police et du fait qu'il est, dans le cadre de ses fonctions, manifestement exposé à des risques d'agression", avait-il poursuivi.
L'arrêté préfectoral autorisant Alexandre Benalla à porter une arme, datant d'octobre 2017, fait effectivement état d'une "mission de police" et indiquait qu'il était "en charge de coordination de la sécurité de la Présidence de la République avec les forces militaires et le GSPR".
S'il contestait des raisons de "sécurité personnelle", Yann Drouet reconnaissait néanmoins que "dans le cadre de ses fonctions, dans le cadre de sa mission, il était manifestement exposé à des risques".