Morts à Koh-Lanta: est-ce la fin des émissions de télé-réalité?

Les deux drames récents dans Koh-Lanta ont choqué l'opinion publique. Est-ce la fin des émissions de télé-réalité? Interview d'un spécialiste du genre.

Après le choc de l'annonce du suicide du médecin de Koh-Lanta vient le temps des interrogations sur le système de la télé-réalité. La télévision est-elle allée trop loin? Certains semblent de cet avis, à l'instar de Françoise Laborde, membre du CSA, qui estime que de telles émissions ont "tendance à broyer les gens". Bertrand Villegas, fondateur de The Wit, un observatoire des médias audiovisuels dans le monde, est loin de partager cet avis. Pour lui, la remise en cause de tout le système audiovisuel n'a pas lieu d'être. Explications.

Peut-on encore vendre du rêve aux téléspectateurs après deux drames?

Oui, mais plus sous la forme d'un jeu de l'extrême comme Koh-Lanta, cela rappellerait des souvenirs trop désagréables au public. En revanche, c'est absurde de penser que c'est la fin de la télé-réalité. C'est un mouvement de fond, impossible à stopper. Tout le monde adore se dévoiler ou se raconter aujourd'hui sur les réseaux sociaux. Les gens donnent leur cœur et leur âme à ces émissions. Et quand ils ne passent pas à la télévision, ils passent sur YouTube. Dans le concept de Koh-Lanta, l'isolement sur une île rend difficile l'assurance de bonnes conditions de sécurité et de prise en charge médicale, mais c'est la seule en France! Dans les autres télés-réalité, il n'y a pas de prise de risque de la sorte, y compris dans Pékin Express.

Françoise Laborde, du CSA, estime que ces émissions "ont tendance à broyer les gens"…

La plupart des candidats viennent pour être mis en valeur, pour exister, pour raconter leur vie quand ils n'ont pas de talent particulier. Ils préfèrent se faire maltraiter plutôt que de ne pas se faire traiter du tout. D'ailleurs, sur les réseaux sociaux, les anciens candidats sont nombreux à exister à travers leur statut d'ancien candidat justement, en l'assumant sans complexe.

Alors que dire de la mort du médecin, qui s'est dit "sali par les médias"?

C'est le libre choix de cette personne d'avoir mis fin à ses jours, mais j'estime que ce n'est pas de la faute des médias. Les médias l'ont très probablement angoissé par leur travail d'investigation, mais ne sont pas responsables de sa mort. En cas d'accident, il est normal qu'un journaliste se pose des questions, cherche à avoir des témoignages, raconte ce qu'il sait. On ne connaît pas l'histoire personnelle de cet homme.

Le CSA pourrait réfléchir à l'interdiction de diffuser des télé-réalités entre 6 heures et 22 heures. Qu'en pensez-vous?

Je ne vois pas du tout le rapport entre un accident dans un contexte particulier, suivi d'un suicide tragique, et les grilles de programmation des chaînes. On mélange tout selon moi. Va-t-on interdire le rap parce que La Fouine a tiré sur Booba? De toute façon, en France, on parle d'arrêter la télé-réalité depuis que Loft Story a commencé, il y a douze ans. La mort de Gérald Babin est tragique, mais ne doit pas tout remettre en cause. C'est malheureux que ce soit arrivé en France, alors qu'on a toujours été très prudent sur Koh-Lanta, pour en faire un défi sportif et sympathique fondé sur de bonnes valeurs. Alors qu'aux Etats-Unis, rappelons que son équivalent s'appelle "Survivant"...

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