"Légendaire", "drôle", "frais"... La presse unanime devant "Mektoub, My Love (Canto Due)" d'Abdellatif Kechiche

"Mektoub My Love (Canto 2)" d'Abdellatif Kechiche - Festival de Locarno
Rares sont les films qui emportent dans un même geste la critique cinéphile. L'affaire est encore plus inédite quand le-dit long métrage est le fait d'un cinéaste ultra-polémique, dont les méthodes de fabrication pour le moins intenses et le "male gaze" sont fortement décriés. Et que cette fiction s'avère être la suite d'une œuvre maudite, Intermezzo, jamais sortie en salles tant son unique projection sur la Croisette en 2019 avait créé le scandale. Une longue scène de cunnilingus non simulée avait en effet créé une rupture entre le cinéaste et l’une de ses actrices principales, Ophélie Bau.
Après une traversée du désert longue de sept ans et des querelles à la pelle, Abdellatif Kechiche, visé par une plainte pour "agression sexuelle" en 2018 (classée sans suite en 2020), a étonnamment enchanté la presse avec son nouveau film, Mektoub My Love (Canto Due), présenté ce vendredi aux journalistes lors du Festival de Locarno, en Suisse. Le troisième volet de sa trilogie azuréenne, qui raconte les émois et ébats de jeunes dans les années 1990 et qui avait été tourné quasi-intégralement en 2017 dans la foulée de Canto Uno, y est sélectionné en compétition officielle.
Victime d'un AVC mi-mars, le cinéaste n'était pas présent lors de la projection, mais les acteurs du film, Ophélie Bau en tête, étaient eux au premier rang.
Le film, dont les premières images ont été révélées début août, se concentre, comme toujours, sur les tribulations amoureuses d'Ophélie (Ophélie Bau), enceinte et sur le point de se marier avec un autre, et d'Amin (Shaïn Boumedine), aspirant cinéaste, qui revient à Sète après ses études parisiennes. Un producteur américain (Andre Jacobs) en vacances s’intéresse à son projet, Les Principes essentiels de l’existence universelle, et souhaite que sa femme, Jess (Jessica Pennington), en soit l’héroïne. Ces deux personnages venus du Pays de l'Oncle Sam apportent, selon la presse, une touche humoristique inédite et plus que bienvenue.
Meilleur volet?
Pour Le Parisien, le cinéaste français auréolé d'une Palme d’Or en 2013 pour La Vie d'Adèle - partagée avec ses deux actrices Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, qui ont ensuite vertement critiqué les conditions de tournage "horribles" - et de deux César du meilleur film - L'Esquive en 2005, puis La Graine et le mulet en 2008 - a tout simplement "plié le match" avec son nouveau film. "C’est un immense plaisir de retrouver Kechiche et ses fulgurances. Sa manière unique de filmer une chevelure, ou la beauté fragile d’un agneau", poursuit le journal francilien.
Libération salue également les "retrouvailles magnifiques" avec la petite bande de personnages, "éternellement frais, estivaux, maudits peut-être de rejouer sans cesse la même pièce, mi-tragédie grecque, mi-soap opera méridional."
Mektoub My Love (Canto Due), qui dure 2h14, serait même meilleur que les deux précédents opus de la trilogie. "On a élevé le premier film voire l'intermède invisible au rang de chefs-d’œuvre? Qu’à cela ne tienne : au lieu de prendre le melon et de jouer la surenchère, le troisième film se fait plus drôle et remet tous les pieds sur Terre", s'exclame Trois Couleurs.
Abdellatif Kechiche n’a même "jamais filmé avec une telle gravité tristement souriante les jeux de l’amour et du hasard", souligne Le Parisien. "Avec la même bande de personnages, le même décor, il raconte une autre histoire, plus courte, plus nerveuse. Il joue avec les styles, en allant beaucoup plus loin vers le rire et la noirceur, le thriller, voire la sitcom 'borderline'", poursuit le quotidien. Et renchérit: "Quand le cinéma le plus pur, comme un diamant, frappe à votre porte, il faut lui ouvrir."
Pour Le Monde, ce long métrage "sensuel" et "furieusement drôle" met en scène une Ophélie Bau "phénoménale". "Son personnage est entier, son sourire d’une gentillesse absolue, désarmant son entourage médisant, qui cherche à comprendre ce qui se trame", adoube le journal. Le Parisien célèbre, lui, les performances "formidables" de Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Jessica Pennington et Salim Kechiouche.
Pas de scènes sulfureuses
Surtout, la presse se réjouit unanimement que le cinéaste ait renoncé à ses scènes sexuelles, d'aucuns diraient objectifiantes et sexualisantes. "Canto Due accorde moins de place aux corps et à la nudité. Il y a quelques scènes de nudité, mais le "male gaze" qui avait beaucoup été pointé pour Canto Uno et Intermezzo est beaucoup moins manifeste ici, explique AlloCiné. Aucune scène du film ne semble, a priori, pouvoir donner lieu à une polémique."
"Abdellatif Kechiche met en pièces le vieux mâle rêvant d’éternelle jeunesse et de cuisses fines", loue Le Monde. Mieux encore: "Dans ce troisième volet, les personnages féminins dictent leur loi du désir – plus de chagrin d’amour, ni de jalousie entre femmes. Les filles veulent bien se partager les hommes, chacune son tour, du moment qu’elles ont leur dose". Plusieurs médias tricolores espèrent même un nouveau volet azuréen.