"Emilia Pérez": en pleine course aux Oscars, des tweets islamophobes de l'actrice principale exhumés

L'actrice espagnole Karla Sofía Gascón, récompensée par un prix d'ensemble d'interprétation féminine pour le film "Emilia Perez" au 77e Festival de Cannes, le 25 mai 2024 - Valery HACHE © 2019 AFP
Nouvelle polémique pour Emilia Pérez. En pleine campagne pour les Oscars, dont il est le grand favori avec 13 nominations, le film de Jacques Audiard fait face à l'exhumation d'anciens tweets hostiles aux musulmans et critiques envers George Floyd de Karla Sofía Gascón, son actrice principale. La comédienne espagnole de 52 ans a pris la parole pour présenter ses excuses.
Repérés par Sarah Hagi, une utilisatrice de X (ex-Twitter), ces tweets en espagnol publiés entre 2016 et 2020 s'en prennent notamment à l'islam. Karla Sofía Gascón, première femme transgenre nommée aux Oscars dans la catégorie meilleure actrice, jugeait alors cette religion "incompatible avec les valeurs occidentales":
"C'est moi, ou il y a de plus en plus de musulmans en Espagne?" s'interrogeait-elle dans un tweet publié le 23 novembre 2020, relayé par le Hollywood Reporter. "Peut-être que l'an prochain, à la place de l'anglais, nous devrons enseigner l'arabe."
"J'en ai tellement marre de tout ça, de l'islam, du christianisme, du catholicisme et de toutes ces p***** de croyances d'abrutis qui violent les droits humains", avait-elle aussi écrit, selon Variety.
Karla Sofía Gascón avait également commenté l'affaire George Floyd, dont le meurtre par un policier dans le Minnesota avait donné lieu à la résurgence du mouvement Black Lives Matter, en 2020. Elle le qualifiait de "toxicomane et escroc" dans l'un des messages incriminés.
"Je crois sincèrement que très peu de gens se sont jamais souciés de George Floyd, un toxicomane et un escroc, mais sa mort a permis de souligner une fois de plus que certains considèrent toujours les noirs comme des singes sans droits et que d'autres considèrent les policiers comme des meurtriers. Tout est faux", estimait ainsi l'actrice espagnole dans un tweet.
Dans un autre, elle semblait s'agacer de la diversité représentée par les Oscars 2021, comparant l'édition de cette année-là à un "festival afro-coréen".
"Profondément désolée"
Les publications de Karla Sofía Gascón pointées du doigt ont commencé à disparaître au fil de la journée de jeudi. L'actrice a elle-même réagi dans un communiqué relayé par Deadline. "Je souhaite évoquer le débat autour de mes anciennes publications sur les réseaux sociaux qui ont fait du mal", a-t-elle écrit, avant d'évoquer sa transidentité:
"En tant que personne appartenant à une communauté marginalisée, je ne connais cette douleur que trop bien et je suis profondément désolée envers ceux à qui j'ai fait de la peine. J'ai combattu toute ma vie pour rendre le monde meilleur. Je crois que la lumière l'emporte toujours sur les ténèbres."
Campagne difficile
Cette controverse s'ajoute à une précédente, la semaine passée quand Karla Sofía Gascón a accusé des équipes travaillant avec l'actrice brésilienne Fernanda Torres, également en lice pour l'Oscar de la meilleure actrice, de la dénigrer sur les réseaux sociaux.
"Je n'ai jamais, à aucun moment, dit quoi que ce soit de négatif envers Fernanda Torres ou son film", avait déclaré Karla Sofía Gascón, comme le rapporte Variety. "Pourtant, il y a des gens qui travaillent avec Fernanda Torres qui nous descendent, moi et Emilia Pérez. Cela en dit plus sur leur film que sur le mien."
Fernanda Torres est une "femme merveilleuse et excellente actrice qui mérite toutes les distinctions du monde", a-t-elle également souligné.
De nombreux observateurs ont évoqué la possibilité que ces déclarations marquent une atteinte aux règles des Oscars, qui interdisent à toute personne associée à un film en compétition "d'encourager ou de décourager les membres (de l'Académie) de voter pour un film ou une prestation (...)". Selon une source citée par IndieWire, ces déclarations ne sont pas considérées comme enfreignant ces règles.
Carton international
Emilia Pérez, odyssée musicale sur la transition de genre d'un narcotrafiquant mexicain, collectionne les distinctions autour du globe: un prix d'interprétation féminine collectif pour ses actrices Karla Sofía Gascón, Zoe Saldaña, Selena Gomez et Adriana Paz à Cannes en mai dernier, quatre Golden Globes au début du mois. Ses 13 nominations aux prochains Oscars constituent un record historique pour un film non anglophone. Le long-métrage est également nommé 12 fois aux César.
Le film, en revanche, fait l'objet de vives critiques au Mexique, son pays d'inspiration. Journalistes, critiques et observateurs s'y sont pris à son caractère "inauthentique" ou aux accents d'une partie du casting.