Sarcophages, sculptures… Ces découvertes faites lors des travaux de reconstruction de Notre-Dame de Paris

Un sarcophage de plomb et des mains sculptées dans la pierre on été découverts lors des travaux de reconstruction de Notre-Dame le 15 mars 2022 - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP
Jamais des archéologues n'ont pu étudier la cathédrale d'aussi près. Au printemps 2022, en plein milieu de la phase de restauration de Notre-Dame de Paris après son incendie, des fouilles archéologiques préventives ont été menées par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans la croisée du transept.
Une opportunité sans précédent qui a permis de révéler de vrais trésors, cachés depuis des années sous les pieds des visiteurs et des fidèles.
"La fouille de Notre-Dame de Paris est une fouille exaltante", confiait en septembre Dominique Garcia, président de l'institut, à BFM Paris Île-de-France. "On a découvert des vestiges romains, des vestiges du début du Moyen-Âge", énumérait-il.
"C'est le côté positif de ce chantier", résume l'architecte en chef Philippe Villeneuve dans une vidéo de l'Inrap, consacrée aux fouilles. "Tout ça, ce sont des champs d'investigation pour les chercheurs qui n'auraient jamais eu lieu s'il n'y avait pas eu (l'incendie)."
Le plus impressionnant reste sûrement la mise au jour de plusieurs sépultures, en particulier deux sarcophages anthropomorphes en plomb.
Deux sarcophages en plomb
Le premier a été facile à identifier, puisqu'il était orné d'une plaque en bronze avec un nom. Il contient les restes du chanoine Antoine de la Porte, mort en 1710. "C’est un personnage de ceux qui comptent le plus dans l’histoire de la cathédrale", explique Jean-Michel Leniaud, président de la Société des amis de Notre-Dame de Paris à BFMTV.com.
Les restes de la personne enterrée dans le deuxième sarcophage en plomb ne sont pas officiellement identifiés, mais les experts tendent à croire qu'il s'agit du corps du poète français Joachim du Bellay, mort en 1560.
L'artiste aurait été inhumé à Notre-Dame aux côtés de son oncle, mais en 1758, son cercueil n'a pas été retrouvé. Les analyses scientifiques menées sur la dépouille retrouvée en 2022 révèlent des traces de maladies dont a souffert Joachim du Bellay dans les dernières années de sa vie. L'identification formelle du corps peut prendre encore plusieurs années.
Les deux sarcophages sont encore aujourd'hui étudiés à l'institut médicolégal du CHU de Toulouse, pour en relever tous leurs secrets. D'autres caveaux, en pierre et en plâtre, ont été révélés eux aussi par la fouille, vestige du passé médiéval de nécropole de Notre-Dame de Paris.
L'ancien jubé médiéval dévoilé
Petit à petit, les fouilles ont permis de mettre à jour des vestiges perdus: ceux du jubé médiéval datant du 13e siècle. Le jubé est une tribune formant une séparation, entre le choeur et la nef. Avec le temps, et en particulier après la Révolution, la plupart des jubés des églises ont été détruits.
Celui de Notre-Dame a été détruit au 18e siècle et ses fragments enfouis dans le sol. A la faveur de ces fouilles, 1.030 fragments allant de quelques grammes à plus de 300 kilos chacun ont été dévoilés et collectés. Ils sont sculptés avec une grande finesse et surtout, certains présentent encore des traces de couleur et de peinture. Au total, neuf tonnes de vestiges ont pu être récupérés par les équipes de l'Inrap.
"Cette découverte permet de renouveler complètement la connaissance du jubé", insiste Christophe Besnier, l'archéologue responsable de la fouille pour l'institut dans la vidéo de l'Inrap citée plus tôt. Cela ouvre des horizons sur la perception du sacré aux époques médiévales et modernes."
Un torse de statue polychrome a par exemple été dévoilé, ainsi que plusieurs têtes de statues, des sculptures peintes montrant que l'ancien jubé avait pour thème la Passion du Christ. Dans le caveau du chanoine de la Porte, des éléments sculptés et peints en remploi ont également été trouvés.
En étudiant les fragments découverts, les experts seront également capables d'estimer ce qui pourrait être encore enfoui. Une reconstitution, même partielle, pourra aussi voir le jour.
Des secrets enfouis à jamais?
À côté de ces objets chargés d'histoire, les archéologues ont mis en lumière un radier, c'est-à-dire une plateforme sur laquelle était posés plusieurs autres éléments, datés entre le 14e et le 16e siècle. Il reposait sur plusieurs strates de sol différentes, construits en un mortier de sable et de chaux, une mine d'informations de l'époque médiévale à nos jours.
C'est le premier élément qui a été révélé au grand jour lors de ces fouilles, avec les calorifères, des conduites de chauffage en brique installées par Eugène Viollet-le-Duc.
Les fouilles se sont terminées le 8 avril 2022, avant le montage nécessaire à cet endroit d'un échafaudage de 100 mètres, qui a servi à l'érection de la flèche et des voûtes de la croisée. Pour ce faire, un terrassement a été fait sur une quarantaine de centimètres, rendant désormais complètement inaccessible le secteur pour des décennies, voire des centaines d'années.
"Il faut en laisser pour les générations futures!", conclut avec philosophie le président de la Société des amis de Notre-Dame Jean-Michel Leniaud.