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"Pas la reine des preuves": l'ADN au cœur des préoccupations au procès de l'attentat de Magnanville

Croquis d'audience de Mohamed Lamine Aberouz (d) au premier jour de son procès pour l'attentat de Magnanville, le 25 septembre 2023 à Paris

Croquis d'audience de Mohamed Lamine Aberouz (d) au premier jour de son procès pour l'attentat de Magnanville, le 25 septembre 2023 à Paris - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Soupçonné de complicité dans l'attentat de Magnanville en 2016 en raison de la présence de son ADN sur la scène de crime, Mohamed Lamine Aberouz clame son innoncence. Un verdict sera rendu le 21 juin.

L'unique trace ADN de Mohamed Lamine Aberouz, retrouvée sur l'ordinateur du couple de policiers assassinés à leur domicile de Magnanville (Yvelines) en juin 2016, signe-t-elle la preuve de sa culpabilité? La déposition ce lundi 16 juin, devant la cour d'assises, de deux experts en génétique n'a pas permis de répondre à cette question cruciale.

"L'ADN n'est pas la reine des preuves mais juste un élément du puzzle", a résumé Olivier Pascal, directeur général de l'Institut français des empreintes génétiques.

"On ne peut jamais exclure l'hypothèse d'un transfert secondaire", a reconnu Florence Fournier, experte du Laboratoire de police scientifique de Paris.

L'accusé clame son innoncence

Condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans pour complicité d'assassinat, Mohamed Lamine Aberouz, 31 ans, clame son innocence. L'assassin des deux policiers, Larossi Abballa, abattu par des policiers du RAID intervenus pour libérer l'enfant du couple retenu en otage, a agi seul, a toujours proclamé l'accusé.

Si les enquêteurs ont d'abord partagé cette hypothèse d'un tueur solitaire, la découverte tardive d'une trace ADN "complète" de l'accusé sur le repose-poignet droit de l'ordinateur personnel des deux victimes d'Abballa a modifié la donne.

Pour l'accusation, cette trace ADN constitue la preuve que Mohamed Lamine Aberouz était présent le soir du 13 juin 2016 au domicile de Jessica Schneider, 36 ans, fonctionnaire de police au commissariat de Mantes-la-Jolie, égorgée chez elle sous les yeux de son fils de trois ans et de Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux, poignardé de neuf coups de couteau un peu plus tard alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui.

C'est à la suite de la découverte de cette unique trace ADN que Mohamed Lamine Aberouz, laissé libre après les faits avec trois jours de garde à vue non concluante en avril 2017, a été finalement interpellé puis mis en examen pour complicité en décembre 2017.

Les magistrats de première instance avaient jugé que "l'hypothèse d'un transfert secondaire (devait) être écartée, les éléments du dossier établissant à l'inverse un dépôt direct de l'ADN sans mélange de Mohamed Lamine Aberouz" sur la scène de crime.

"On n'est sûr de rien"

Les experts entendus lundi, les mêmes qu'en première instance, ont plus que nuancé le jugement de la cour d'assises de première instance.

"On se pose des questions car on n'est sûr de rien", a affirmé Olivier Pascal. "Le phénomène de transfert d'ADN est très difficile à prouver", a admis l'expert mais "on ne peut l'exclure". "Il n'y a pas d'éléments scientifiques pour établir un dépôt direct, il n'y aura jamais de certitude scientifique", a-t-il insisté.

A l'issue de l'audience, la défense s'est réjoui qu'aucun expert n'ait formellement exclu la thèse d'un transfert de l'ADN de leur client. La défense a notamment pointé qu'aucune analyse génétique n'avait été effectuée sur le bas des gants de Larossi Abballa. Et si la trace ADN de Mohamed Lamine Aberouz avait été transférée par ce gant? La question restera à jamais sans réponse.

L'avocate générale a tenté de balayer les doutes. "La culpabilité de l'accusé ne repose pas uniquement sur l'ADN", a-t-elle souligné.

Il demeure néanmoins que c'est bien la présence de son ADN au domicile des victimes qui vaut à Mohamed Lamine Aberouz d'être dans le box des accusés.

Verdict le 21 juin

Cité par la défense, un avocat spécialiste reconnu des questions génétiques, Me Patrice Reviron est venu expliquer à la barre, exemples à l'appui, que "les expertises ADN ne sont pas infaillibles".

"Il est indispensable de considérer la découverte d'un profil ADN non pas comme une preuve en soi mais comme un indice permettant d'orienter l'enquête vers un suspect en ayant conscience que pour lui également, dans certaines hypothèses, il est presque impossible de savoir comment son ADN a pu migrer de sa personne vers des objets qu'il n'a peut-être jamais touchés", a indiqué l'avocat-expert.

L'accusé aura l'occasion de s'expliquer ce mercredi 18 juin. Le verdict est attendu le 21 juin.

Mathias Fleury avec AFP