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Paris Île-de-France

"Libérer la parole": à Romainville, une association organise des ateliers pour débattre des émeutes

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L'Ajir anime ces tables rondes en petits comités depuis le 9 juillet. Mardi, la discussion portait sur la justice, avant d'être élargie à d'autres thèmes comme les dégradations, la police ou encore le rôle des réseaux sociaux.

Même au beau milieu de l'été, le mauvais temps a parfois du bon. L'Association Jeunesse inter-cultures de Romainville (Ajir) a saisi l'occasion pour réorganiser son planning et dégager plus de créneaux dédiés à des activités en intérieur.

Depuis le 9 juillet, à raison d'une fois tous les dix à quinze jours, ce collectif de Seine-Saint-Denis multiplie les ateliers pour débattre des causes et conséquences des émeutes qui ont émaillé la France après la mort de Nahel, tué par un policier le 27 juin, à Nanterre.

L'idée derrière ces réunions en comités restreints: "libérer la parole" des jeunes. En ce mardi pluvieux, c'est au tour d'Amadou, Gloire, Brice, Akibou et Mounir de se réunir autour d'une table dans les locaux de l'Ajir.

"On s'écoute les uns les autres"

La discussion débute sous l'égide de Daouda Gory, directeur du collectif, sur un thème apparu dans la boîte à idées: la justice. "Comme d'habitude, on s'écoute les uns les autres dans le respect", rappelle-t-il avant d'ouvrir le débat par une première question:

"Avec toutes les images qu'on a vu passer sur les réseaux, à la télé, sur les unes des journaux et partout, pour vous, c'est quoi les pires incidents qui se sont passés pendant les émeutes?"

"L'agression chez le maire à L'Haÿ-les-Roses", répond l'un d'eux sans hésiter, en référence à l'attaque à la voiture-bélier survenue au domicile de Vincent Jeanbrun dans la nuit du 1er au 2 juillet.

"Moi, c'est quand ils essayent de rentrer dans la prison à Fresnes" ou "quand ils ont brûlé le commissariat à Bagnolet", suggèrent deux autres participants au débat.

Les violences dénoncées

Les dégradations forment l'axe majeur du débat. Akibou, 17 ans, vit à Romainville. Il s'est joint aux premières protestations "sous la colère". "Nahel, ça pouvait être l'un de nous", relate le jeune homme à la casquette.

Il ne s'est cependant adonné à aucune violence. "Quand j'ai vu que ça partait en vrille, je suis rentré direct chez moi", retrace l'intéressé. "J'avais peur, par exemple, que les forces de l'ordre nous frappent ou quelque chose comme ça", tout en appelant à ne pas "généraliser".

Gloire, 18 ans, tient un discours similaire. Porté par "l'effet de groupe", il a exprimé sa tristesse quant au drame survenu à Nanterre. Il regrette que certains l'aient fait éclater par la violence: "Aller chez le maire, brûler les commissariats, les hôtels de ville, casser des commerces: ça ne servait à rien un peu".

Lutter contre "le renfermement"

"Il faut aussi s'exprimer, faire comprendre qu'en cassant le commerçant du coin, est-ce que c'est ça qui va défendre votre cause? Je pense qu'il faut en parler. Et parfois même pour expliquer à chacun le rôle des institutions", résume Daouda Gory.

De l'avis du responsable associatif, "la cause de départ était légitime". Mais il regrette les "excès", notamment motivés selon lui par la création d'une cagnotte pour soutenir financièrement la famille du policier mis en cause dans la mort de Nahel. "Ça a rajouté de l'huile sur le feu", assure Daouda Gory.

Au fur et à mesure de la discussion, les sujets de débat s'élargissent: missions de la police, parallèle avec les émeutes de 2005, rôles des réseaux sociaux, possibles sanctions contre les parents de mineurs impliqués, etc.

Avec ces tables rondes, Daouda Gory tente de convaincre les jeunes venus débattre que les débordements auraient pu être évités et de prévenir tout recommencement. Dialoguer, c'est lutter contre "le renfermement chez les jeunes", synthétise-t-il, mais aussi leur faire comprendre "qu'ils ont un rôle de citoyen" à jouer.

Yaelle Kahn avec Florian Bouhot