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Paris Île-de-France

Le sentiment "anti-parisien" exacerbé pendant la crise sanitaire: mais pourquoi déteste-t-on les Parisiens?

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La crise sanitaire et l'exode des Parisiens hors de la capitale a exacerbé le sentiment "anti-Parisien". Mais ce phénomène est loin d'être nouveau. Décryptage.

"Retourne chez toi connard", voilà un message dont se serait bien passée la famille de Jules, 21 ans. Dans le Finistère depuis samedi, ces Parisiens ont retrouvé ce message, glissé sous les essuis-glaces de leur voiture, dès leur première sortie.

"Mes parents et moi sommes allés chercher du pain dans le centre-ville, confie Jules, 21 ans. Je suis resté dans la voiture et à peine mes parents étaient partis, qu'une camionnette s'est garrée derrière nous. Un homme en est sorti et a déposé un ticket de PMU sur le pare-brise avec des insultes inscrites au dos."
Jules et ses parents ont découvert ce message insultant sur le pare-brise de leur voiture.
Jules et ses parents ont découvert ce message insultant sur le pare-brise de leur voiture. © Jules

Une "trahison" de louer à des Parisiens

À la lecture du message, la famille était dans l'incompréhension. Jules et ses parents n'ont pas fui la capitale en raison du nouveau confinement, mais parce que leur appartement est en travaux pour deux semaines. Sans pied-à-terre ailleurs, la famille a choisi de louer un gîte en Bretagne. Dès leur arrivée, la propriétaire des lieux donne la tendance.

"Cela fait 20 ans qu'elle habite la région et elle n'ose toujours pas dire lorsqu'elle loue à des Parisiens, explique Jules. Comme si c'était une trahison!"

Ce genre de situation agace le jeune homme. "Mon père est de la région, confie-t-il. Mais dès que les gens voient une voiture immatriculée 75, on a le droit à des regards assez méchants. Le sentiment anti-parisien existait déjà mais en ce moment on ressent assez facilement la défiance."

Les Parisiens, une menace?

La situation de Jules n'est pas un cas isolé, depuis le début de la crise sanitaire et à chaque "exode" des Parisiens lors des différents confinements, des habitants de la région parisienne ont témoigné de ce sentiment de défiance.

Auteur du livre "Les Parisiens" : une obsession française, le journaliste Olivier Razemon parle d'une "migration, que l'on observe tous les week-ends en temps normal" mais qui en cas de "menace d'une maladie" inquiète, à tort.

"Il y a eu plusieurs types d'exodes au moment des confinements, raconte Olivier Razemon. Plusieurs catégories de personnes sont parties précipitamment dans leur résidence secondaire et des étudiants ou des jeunes actifs sont rentrés chez leurs parents. Ces migrations étaient concentrées en une journée à chaque fois. Ce qu'on constate quand même, c'est que l'on n'a pas repéré de contaminations massives suite à ces déplacements."

Une détestation ancienne et une "obsession" française

Même si elle peut ressurgir en cas de crise, selon Olivier Razemon, la détestation du "Parisien" ne date pas d'aujourd'hui. Elle remonterait même au XVIIe siècle où les habitants de la capitale étaient déjà l'objet de moqueries. Mais c'est bien la centralisation du pouvoir politique, de la puissance économique et du pouvoir décisionnaire à Paris qui ont cristallisé une obsession française. De plus, le "Parisien" serait perçu comme quelqu'un qui a des habitudes de vie très "étranges" en matière de logement et de transport.

"Le Parisien a beaucoup de stéréotypes, il suffit de se déplacer en France ou en Europe, pour en entendre beaucoup", annonce Olivier Razemon. Snobs, arrogants, mauvais conducteurs, toujours pressés... la liste est longue.

La "détestation" des Parisiens tient aussi d'une incompréhension. Selon lui, les habitants des moyennes et des petites villes ne comprendraient pas pourquoi les Parisiens "depensent des milliers d'euros pour acheter un tout petit appartement" ou qu'ils aient des modes de déplacements assez particuliers.

"Quand on vit dans un endroit moins peuplé, il y a une forme d'incompréhension par rapport à cet habitant de la grande ville qui a des habitudes très différentes pour le mode de vie quotidien", précise Olivier Razemon.

De plus en plus de Parisiens ne veulent plus vivre dans la capitale

Mais ironiquement, la crise sanitaire a mis en lumière le désir des Parisiens de quitter leur territoire. Selon une étude parue l'été dernier, la crise a renforcé l'envie de quitter Paris pour 84% des cadres.

Un paradoxe finalement. "D'un côté, on a l'Île-de-France que les pouvoirs publics continuent à renforcer, par des décisions qui sont prises pour l'attractivité, analyse Olivier Razemon. De l'autre, on a tous ces endroits en France qui aimeraient acueillir les personnes qui rêvent de quitter l'Île-de-France". Et tirer profit de ces nouveaux habitants. Au final selon lui, le changement d'image de Paris et de ses habitants passera sans doute par une "décentralisation de la population".

Solenne Bertrand