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Paris Île-de-France

Émeutes: le maire de Saint-Gratien demande aux habitants d'un quartier de dénoncer les casseurs

Le centre Camille Claudel de Saint-Gratien a été incendié durant les émeutes, la semaine dernière.

Le centre Camille Claudel de Saint-Gratien a été incendié durant les émeutes, la semaine dernière. - Facebook / Ville de Saint-Gratien

Dans un communiqué adressé aux habitants des Raguenets, le maire assure que les habitants "ne sont plus prêts à payer les dégradations perpétrées par des bandes de jeunes mineurs que les parents ne surveillent pas".

C'est un communiqué qui était passé un peu inaperçu jusqu'à présent et remarqué par Le Parisien. Le maire de Saint-Gratien (Val-d'Oise) s'est adressé dans une lettre vendredi dernier aux habitants des Raguenets, un quartier sensible de la commune, après les émeutes dans la cité.

Comme dans de nombreuses villes en France, Saint-Gratien a été le théâtre de scènes de violences. Julien Bachard, maire de la commune depuis 2017, en remplacement de Jacqueline Eustache-Brino, élue sénatrice, explique que le "paroxysme" a été atteint "avec l'incendie criminel du centre culturel Camille Claudel", "l'attaque de commerces du centre commercial des Raguenets" et la "dégradation de l'aire de jeux des Raguenets".

"La neutralité est considérée comme de la complicité"

Alors il estime qu'aujourd'hui "tout ceci doit cesser". Pour lui, "chaque habitant, chaque parent doit se sentir concerné" par la situation. Et de lancer: "Qui va payer pour la remise en état de tous ces équipements brûlés, cassés, pillés?".

Si pour l'heure, il n'a pas de réponse, Julien Bachard a décidé que les auteurs des faits ne resteront pas impunis. Et pour cela, il demande l'aide des habitants du quartier. "Il est de la responsabilité de chacun d'entre vous de nous communiquer les informations qu'il possède", juge l'édile.

"Le seuil de tolérance est largement dépassé et maintenant la neutralité est considérée comme de la complicité", peut-on lire dans le communiqué.

Et pour s'assurer d'avoir des réponses, le maire va même plus loin et menace. "Aucuns travaux de reconstruction ne seront engagés (...) tant que nous ne posséderons pas les noms des auteurs des faits".

"Un sursaut républicain" pour l'édile

Il justifie sa demande expliquant que, "depuis toujours", la commune "investit dans des équipements publics de qualité qu'ils soient culturels, scolaires, de la petite enfance ou associatifs".

Il assure avoir "dépensé plus d'argent et plus de temps pour ce quartier que pour les autres quartiers de la ville, pour qu'il soit agréable" et qu'il est désormais "indispensable" que les parents gardent leurs enfants chez eux le soir.

Une demande entendue selon Julien Bachard, interrogé par Le Parisien. "On appelle à des informations et elles commencent à arriver car on ne peut pas toujours nous dire, on sait qui sait et ne rien dire. Il y a un sursaut républicain", se réjouit l’élu, qui ne souhaite pas parler de délation et se défend de stigmatisations.

"Si j’ai envoyé la lettre seulement aux Raguenets, c’est parce qu’il n’y a pas eu de problème ailleurs dans la ville. Mais on sait bien que les premières victimes sont les habitants du quartier", poursuit ce dernier.

Un risque de dénonciation calomnieuse?

Dans la ville, les réactions sont partagées. Certains saluent la décision. "C’est très bien. J’espère qu’on ne va pas reconstruire. Cela fait trop longtemps que les gens savent mais ne disent rien sur ce qui se passe dans le quartier", estime Élodie, interrogée par le journal.

Mais d'autres habitants s'interrogent sur la manière de faire et sur les résultats qu'il y aura. "À part stigmatiser, cette lettre ne sert à rien. Pire avec ce chantage à la délation, il y a un vrai risque que des gens balancent n’importe qui", explique l'un d'entre eux au quotidien.

Un autre habitant soulève également le fait que les jeunes "peuvent très bien venir d'ailleurs".

Près d'une semaine après les évènements, Julien Bachard tempère. "Je n’ai jamais dit jamais", note-t-il. "Mais, dans tous les cas, il est bien trop tôt pour parler reconstruction. Nous n’avons encore ni retour des experts, ni chiffrage des dégâts. On sait seulement qu'ils nous coûteront très cher et, dans l’état actuel de nos finances, nous n’avons pas les moyens".

Alicia Foricher