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Échauffourées entre policiers et lycéens à Nanterre: que se passe-t-il au lycée Joliot-Curie?

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14 personnes dont de nombreux mineurs, ont été interpellés mardi lors d'un blocus organisé dans l'établissement des Hauts-de-Seine par des lycéens. Des échauffourées ont encore eu lieu ce jeudi entre les forces de l'ordre et certains jeunes.

La tension n'est toujours pas redescendue à Nanterre (Hauts-de-Seine) aux abords du lycée Joliot-Curie. Après des incidents entre forces de l'ordre et lycéens ce mardi, des échanges de projectiles ont eu lieu entre forces de l'ordre et plusieurs individus ce jeudi matin devant les grilles du lycée.

Une cinquantaine de manifestants dissimulant leur visage, étaient présents pour faire face aux policiers mobilisés sur place. Des fumigènes ont été tirés lors des échanges entre les deux camps, comme le montrent des images qu'a pu se procurer BFMTV. Deux personnes ont été interpellées à la suite de ces échauffourées.

Un policier a été blessé tout comme une élue présente sur place et victime d'un jet de projectile. La préfecture déplore des jets de pierres et de mortiers ainsi que l'utilisation de fumigènes.

• Un blocage des lycéens pour le retour d'un professeur et l'aide aux devoirs

Les tensions ont débuté lundi devant ce lycée de Nanterre. Une trentaine d'étudiants ont cadenassé la grille d'entrée du lycée qui accueille habituellement près de 1700 élèves.

Les lycéens ont également organisé un blocage en guise de protestation pacifique. Ils demandent le rétablissement d'une réelle aide aux devoirs et le retour d'un de leurs enseignants syndicalistes, Kai Terada, d'abord suspendu puis muté dans un autre établissement.

• Des tensions mardi matin

La situation a dégénéré ce mardi matin alors que les jeunes continuaient leur protestation devant l'établissement. La police est intervenue sur les lieux du blocage mené par environ 150 lycéens. Sur certaines images, on peut notamment apercevoir une violente altercation entre l'un des jeunes manifestants et l'un des agents mobilisés sur place.

Selon des professeurs, les forces de l'ordre ont fait usage de leurs matraques et de gaz lacrymogène ce qui aurait provoqué des mouvements de foule. Certains enseignants ont évoqué "une violence inouïe".

De son côté, la préfecture a affirmé, dans un communiqué, que les forces de l'ordre ont été prises à partie par plusieurs personnes et ont été visées par des projectiles et des tirs de mortiers. Deux policiers ont été blessés.

• 14 jeunes en garde à vue

Au total, 14 jeunes, dont dix mineurs, ont été interpellés et placés en garde à vue pour attroupement armé par des individus masqués, outrages et violences volontaires aggravées par armes, en réunion et sur personne dépositaire de l'autorité publique. Les 14 personnes ne sont toutefois pas toutes scolarisées au lycée Joliot-Curie. Les élèves interpellés étaient tous sortis de garde à vue mardi soir.

Trois jeunes, sur les quatorze interpellés, seront convoqués en décembre devant le tribunal pour enfants en audience de culpabilité, pour violences aggravées sur personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme, d'après l'AFP.

• Les élèves pointent des violences

Après les échauffourées de ce mardi, certains jeunes et des parents d'élèves ont affiché leur colère face au comportement, jugé violent, des forces de l'ordre devant le lycée Joliot-Curie. Pour eux, ce sont les policiers qui ont provoqué la dégradation de la situation.

"La police faisait un arc de cercle autour de la grille, ils filtraient ceux qui rentraient. Après, ça a commencé à se tasser, ça se poussait, ça se poussait, ça parlait mal. Les policiers, ils ont commencé à sortir les gaz alors qu'il y avait pas lieu de les sortir, et au bout d'un moment, ça a dégénéré", raconte au micro de BFMTV, Ayman, l'un des lycéens.

L'un des élèves interpellés par la police pointe lui aussi l'action des forces de l'ordre. "Ils ont commencé à gazer les gens avec des lacrymos et tout, ils ont commencé à courir derrière moi. Forcément, moi j'ai couru. Après, ils m'ont pris par terre, ils m'ont menotté sans aucune raison. Quand je suis arrivé au commissariat, ils ont dit que j'étais cagoulé, ganté, alors que pas du tout. Pourtant, ils m'ont fouillé, il n'y avait rien dans mon sac, je venais d'arriver”, raconte-il.

• Des interpellations critiquées

Arié Alimi, avocat de certains élèves, a lui jugé inacceptable l'arrestation de ces lycéens. Il critique la décision de mettre en garde à vue, pendant plusieurs heures, des jeunes parfois âgés de moins de 14 ans.

"Il faudrait que ça cesse, il faudrait que l'on arrête lorsqu'il y a un mouvement social de lycéens, de faire de la répression, et d'interpeller pour intimider et pour empêcher les lycéens de se conscientiser socialement", a-t-il appelé au micro de BFMTV.

Des parents se sont rassemblés mardi devant le commissariat de Nanterre pour exiger leur libération. Le père d'un élève interpellé plus tôt dans la journée, a lui aussi fait part de sa colère après ces arrestations. Prenant la parole devant la foule réunie, il a appelé à porter plainte contre le lycée.

• Le port de l'abaya en cause?

Depuis plus d'un an, le lycée Joliot-Curie attire l'attention pour des atteintes à la laïcité. Des tensions seraient notamment appparues ces derniers temps au sujet du port de l'abaya, une robe longue assimilée à un vêtement religieux.

Toutefois, les élèves interrogés par BFMTV, réfutent l'idée selon laquelle le droit de porter l'abaya au lycée faisait partie des revendications des manifestants ce mardi. "À aucun moment on a bloqué pour l'abaya. C'est l'extrême-droite qui a mis l'Islam dans ce sujet", dénonce Ayman, élève au lycée Joliot-Curie.

Interrogés par l'AFP, une enseignante et le rectorat affirment que les auteurs des blocages s'opposent notamment, au réglement intérieur et au cadre d'application du principe de laïcité.

• Les élus réagissent

Dès mardi, plusieurs personnalités locales ont tenu à s'exprimer sur les incidents survenus autour du lycée Joliot-Curie. Le maire (PCF) de Nanterre, Patrick Jarry, a interpellé l'Education nationale dans un communiqué, l'appelant à accéder à la revendication des lycéens concernant l'aide aux devoirs.

"C'est une demande légitime, elle exprime une volonté de réussir", a-t-il soutenu.

Plusieurs élus municipaux se sont également rendus dans la journée au commissariat où étaient placés en garde à vue les lycéens. Ils y ont été reçus par le commissaire divisionnaire. Le maire a appelé mardi au retour d'une "situation apaisée".

La députée (EELV) de Nanterre et Suresnes, Sabrina Sebaihi, s'est elle montrée plus critique à l'égard des forces de l'ordre, déplorant, dans un communiqué, "une politique toujours plus répressive à l'égard des mouvements sociaux".

"A 15 ans, la place des enfants est à l'école, pas dans un commissariat", a-t-elle fustigé.

Depuis les nouvelles échauffourées aux abords du lycée Joliot-Curie de Nanterre, l'établissement a été fermé. Il doit rouvrir ce vendredi matin.

Gauthier Hartmann