90 ans du Grand Rex: comment le célèbre cinéma parisien a diversifié ses activités pour survivre

Le Grand Rex, à Paris. - PHILIPPE LOPEZ / AFP
Une soirée mondaine, Louis Lumière en invité d'honneur, l'avant-première de la version parlante des Trois Mousquetaires d’Henri Diamant-Berge. Le 8 décembre 1932, 3300 spectateurs sont conviés à l'ouverture du Grand Rex à Paris, un cinéma démesuré créé par Jacques Haïk, à l'époque propriétaire d'autres salles parisiennes.
Quatre-vingt-dix ans plus tard, les choses ont bien changé dans "la plus grande salle de cinéma d'Europe" aux 2702 places, comme l'affirme son directeur général, Alexandre Hellmann. Le grand-père de ce dernier (accompagné d'un associé américain) a racheté le bâtiment en 1947, après que Jacques Haïk ait dû s'en séparer.
Ce jeudi, le Grand Rex souffle sa 90e bougie, un véritable exploit alors que tant de salles ont dû mettre la clé sous la porte, affaiblies notamment par le Covid-19 et la baisse de fréquentation. Le cinéma avait lui-même dû fermer pendant trois semaines en août 2020 mais semble avoir remonté la pente.
"On se porte très bien. Il faut savoir qu’il y avait 181 salles de taille comparative à celle du Grand Rex ou plus grandes depuis que le cinéma existe. Sur ces 181 salles, 71 existent toujours aujourd’hui et plus aucune ne fait du cinéma", explique Alexandre Hellmann à BFMTV.com.
Des nouvelles activités dès les années 80
Quel est donc le secret du Grand Rex? La réponse tient en deux mots pour le directeur: la diversification. Dès les années 80, pour tenter de faire face au manque de fréquentation, la famille Hellmann décide de multiplier ses activités, au-delà de la simple projection de films. "Quand vous avez une salle qui est aussi massive, vous devez changer d’activité", affirme son directeur.
"C’est à partir des années 80 que sont arrivés les concerts pour qu’on devienne une scène musicale indispensable. Il y a encore 10 jours, on recevait Bono ou juste avant la fermeture pour le Covid, Madonna était sur scène pendant trois semaines", continue-t-il.
Des spectacles donc, mais aussi des conventions d'entreprises, des marathons, des avant-premières et surtout un club. Le Rex Club, anciennement appelé Le Rêve, est l'un des lieux incontournables de la scène techno à Paris. De nombreux artistes s'y sont succédé, de Daft Punk à David Guetta, en passant par Carl Cox ou encore Justice, pour n'en citer que quelques-uns.
Escape Game, ciné-karaoké...
Tout comme le Rex Club, la Féerie des eaux est proposée depuis des années au Grand Rex, 1954 pour être précis. Une preuve que l'envie de se diversifier a toujours été dans l'ADN de l'entreprise. Tous les ans au moment des fêtes de fin d'année, un spectacle de jets d'eau, jeux de lumières et effets spéciaux est proposé avant la diffusion d'un dessin animé.
"C’est indispensable pour nous et notre économie. Chaque année, on fait environ entre 150.000 et 170.000 entrées sur six semaines pour le dessin animé de fin d’année avec la Féérie des Eaux", se réjouit le directeur général du Grand Rex.
Côté nouveautés, le Grand Rex a mis en place depuis peu des séances de ciné-karaoké, un concept proposé par l'Ecran Pop qui affiche complet jusqu'au mois de mars. Il est également possible de se plonger dans l'histoire de cette salle mythique de cinéma, et plus généralement du 7e art, avec le parcours interactif des Rex Studios.
Ajoutons à cela un escape game, créé pendant le Covid-19, où les participants doivent sauver le cinéma dans un laps de temps limité. Ce nouveau projet est "différent des autres escapes game avec traditionnellement une pièce qui débouche sur une autre. Là vous en avez huit où les énigmes doivent aller vite, entre 4 et 5 minutes par pièce", se réjouit Alexandre Hellmann.
Le cinéma, la raison d'être du Grand Rex
En 1932, le bâtiment du Grand Rex abritait seulement une (grande) salle de cinéma. En 2022, il en compte sept, dont celle de 2702 places, et propose des événements qui dépassent les limites du 7e art. Le cinéma reste néanmoins le secteur qui rapporte le plus financièrement à la salle, affirme son directeur général mais surtout, il reste la raison d'être du Grand Rex.
"On fait très attention au fait que ces locations, ces spectacles, ne tombent pas dans les sorties cinématographiques que le public attend. On ne va pas mettre un concert le jour de la sortie d’Avatar, les gens veulent le voir dans une salle avec un écran énorme. Quand on voit que le calendrier des films est faible, on remplit avec autre chose", détaille Alexandre Hellmann.
"Si aujourd’hui on disait ‘on veut gagner plus d’argent’, on ferait comme toutes les autres grandes salles. On ferait autre chose. Mais nous, on a pour vocation de faire du cinéma", ajoute-t-il.
Quatre-vingt-dix ans après sa création, le Grand Rex semble avoir trouvé la formule magique pour maintenir son activité. Et c'est son propriétaire qui la résume le mieux: "Un jour vous avez Brad Pitt, le lendemain un concert de Bob Dylan, et après une convention d’entreprise de Dior. Tous les jours, vous rêvez."