Inondations meurtrières en Espagne: un tel événement peut-il se produire en France?

Des débris causés par les inondations dans la région de Valence, le 31 octobre 2024 - JOSE JORDAN / AFP
Les inondations qui ont touché le sud-est de l'Espagne depuis mardi 29 octobre ont fait, selon un dernier bilan provisoire et qui devrait encore augmenter, au moins 158 morts. Des dizaines de personnes sont toujours portées disparues. Il s'agit là du pire bilan humain depuis près de cinquante ans et les inondations de 1973 qui avaient fait 300 morts.
Un drame qui fait suite à un épisode méditerranéen, habituel à l'automne, associé à un phénomène de goutte froide, une poche d'air froid en haute altitude provoquant une perturbation de la météo. Ensemble, ces deux événements climatiques causent de fortes pluies, donc des inondations, des morts et des dégâts considérables. Des images de chaos et une question: un tel phénomène peut-il se produire en France?
Quels risques en France?
Comme dans la région de Valence, toutes les zones situées en bordure de Méditerranée peuvent être touchées par les épisodes méditerranéens, en Espagne, en France ou en Italie. Les experts s'accordent par ailleurs sur le fait que si ces phénomènes sont courants, surtout à l'automne, c'est leur intensité qui a été décuplée en raison du dérèglement climatique. La hausse de la température de la mer Méditerranée - qui avoisine les 20 degrés au large de Valence - engendre plus d'humidité favorise les épisodes orageux en rencontrant une fameuse "goutte froide".
En France, des régions comme les Cévennes ou la Corse sont plus exposées à de tels phénomènes climatiques. Récemment, le passage de la dépression Kirk les 9 et 10 octobre, puis les inondations de la semaine suivante, en auront été les tristes illustrations.
"L'ensemble de l’arc méditerranéen est concerné, dont la France", explique à La Dépêche Serge Zaka, agro-climatologue spécialisé sur l'impact du dérèglement climatique. "À cause du réchauffement climatique, ces phénomènes météorologiques vont gagner en intensité. Il ne s’agit pas d’une projection, mais d’une observation".
Un cocktail "dramatique", selon Jorge Olcina, professeur de climatologie à l'université d'Alicante interrogé par l'AFP. Quand elles atteignent une telle ampleur, les gouttes froides peuvent avoir des effets "très similaires" à ceux d'un "ouragan", insiste ce chercheur.
"Le résultat de 30 ans d’inaction climatique"
"Depuis 40 ans, l’exposition et la vulnérabilité ont augmenté et depuis 40 ans, les catastrophes se succèdent", déplore sur X Magali Reghezza, géographe spécialiste des risques naturels, de la prévention des catastrophes et de l'adaptation au changement climatique.
"Nous payons les héritages de décennies d’incurie. Et nous payons aussi le résultat de 30 ans d’inaction climatique", ajoute-t-elle.
En Espagne comme en France, l'urbanisation et l'artificialisation des sols sont également des facteurs aggravants pour de tels phénomènes climatiques. Au même titre, une forte densité urbaine dans les zones méditerranéennes, comme à Valence en Espagne ou, côté français, dans le Sud-est, peut contribuer à augmenter les risques d'inondations mortelles. En Espagne comme en France, ces régions sont en proie à des étés de sécheresses, causant l'assèchement des sols et la difficile absorption des précipitations automnales.
"Quels que soient les plans d’adaptation, tant que la Terre se réchauffe, nous sommes condamnés à subir de plus en plus de catastrophes", conclut Magali Reghessa.
Et d'ajouter: "Malgré les progrès techniques, au-delà d’un certain niveau de réchauffement, ces territoires seront inhabitables (...) Seule l’atténuation, avec l’atteinte du net zéro émission de CO2 stabilisera le réchauffement et permettra l’adaptation."
François Gemenne, professeur à HEC et membre du GIEC, appelle chez nos confrères de RTL à "tirer des leçons très importantes de ce qu'il vient de se passer à Valence à la fois en termes d'alerte des populations, d'évacuation des populations, mais également en termes de gestion de l'aménagement du territoire".