"Silence, on arme!", #Frencharms: les campagnes contre les ventes d'armes françaises se multiplient

Capture d'écran de la campagne "Silence, on arme!" - Amnesty International France
Rafale d'articles de presse, ONG vent debout: le gouvernement français est confronté à une offensive tous azimuts contre ses ventes d'armes, à l'Arabie Saoudite comme à d'autres pays accusés de crimes de guerre ou de répression contre leur population, des attaques embarrassantes pour le troisième exportateur d'équipements militaires dans le monde.
Le "savoir-tuer à la française"
"Silence, on arme!": Amnesty International lance ce lundi une vaste campagne d'affichage "pour dénoncer les graves manquements des autorités françaises en matière de transparence et de contrôle" dans le domaine des exports d'armement. L'ONG exige du gouvernement qu'il fasse "toute la transparence sur ses exportations d'armes" et appelle à signer une pétition lancée en parallèle de la campagne.

"La gastronomie, l'industrie du luxe ne sont pas les seuls fleurons du rayonnement français. Il y a aussi les armes. Rendons donc hommage à notre industrie de mort, plus classe, plus trendy, qui rajoute ce je-ne-sais-quoi à ce qui pourrait n'être qu'un banal massacre", souligne l'ONG dans une vidéo, avec la dénonciation du "savoir-tuer à la française", alors que début à Paris la Fashion Week.
Une offensive qui succède à une vaste campagne médiatique intitulée #Frencharms, dénonçant l'usage d'armes françaises au Yémen et dans d'autres pays "où des violations des droits de l'Homme sont commises et largement documentées".
Tout au long de la semaine passée, le média d'investigation néerlandais "Lighthouse reports" et ses partenaires français - Disclose, Arte, Radio France, Médiapart - ont évoqué tour à tour l'usage par l'armée indonésienne d'hélicoptères Airbus pour réprimer la Papouasie occidentale, l'usage de Rafale égyptiens en Libye, l'emploi de blindés français par les forces égyptiennes accusées d'exactions dans le Sinaï, ou par le Bataillon camerounais d'intervention rapide (BIR), responsable selon Amnesty de violences et d'actes de torture. Ces livraisons sont déjà documentées, pour la plupart remontent à plusieurs années, et sont antérieures aux faits dénoncés par les ONG.
ONG et médias d'investigation semblent être décidés à faire monter la pression, après une multitude d'appels, restés lettre morte, à suspendre les transfert d'armement français à Ryad et Abu Dhabi, engagés au Yémen dans une guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts depuis 2015, en majorité des civils.
"Exporter des équipements, c'est dynamiser notre industrie de défense"
Face à ces tirs croisés, Paris répète invariablement exercer "un contrôle des exportations des matériels de guerre strict, transparent et responsable", reposant sur un "examen poussé" via la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEMGG), rattachée aux services du Premier ministre. Le Conseil des Industries, quant à lui, assure agir "dans le cadre de la réglementation française".
"Si les conditions d'utilisation envisagées lors de l'octroi de l'autorisation d'exportation évoluent, la France s'efforce alors de passer des messages adéquats et d'agir de toutes les manières possibles pour conduire à une désescalade", ajoute Matignon.
Pour la France, l'enjeu des ventes d'armes est à la fois stratégique - il s'agit d'honorer ses alliances avec des pays engagés dans la lutte antiterroriste, fait-on valoir - et industriel. "Exporter des équipements, c'est dynamiser notre industrie de défense", soulignait en juillet la ministre des Armées Florence Parly, en rappelant que l'armement représente 13% des emplois industriels en France, soit 200.000 postes. En 2018, les exportations d'armement français ont bondi de 30% à 9,1 milliards d'euros, avec pour principaux clients le Qatar, la Belgique et l'Arabie saoudite.
Dans le cas du Yémen, le président Emmanuel Macron a affirmé en mai avoir la "garantie" que les armes françaises vendues à l'Arabie saoudite "n'étaient pas utilisées contre des civils". Mais cette position n'est plus tenable, selon les ONG, qui dénoncent un "risque de complicité dans de graves violations" des droits humains, au mépris du Traité international sur le commerce des armes (TCA) ratifié par la France en 2014.