Que peut faire la Belgique pour lutter contre le jihadisme?

Des policiers pendant la vaste opération antiterroriste ce lundi dans le quartier de Molenbeek, à Bruxelles. - AFP
Après les arrestations de samedi, tous les yeux sont braqués sur la Belgique, et la commune de Molenbeek, théâtre d'une vaste opération de police dans le cadre de l'enquête sur les attentats de Paris de vendredi. Ce petit pays de 11 millions d'habitants est désormais décrit par certains comme une base européenne de la mouvance jihadiste.
Depuis 2001, sur huit attentats retentissants, la Belgique se trouve impliquée, à un degré plus ou moins fort, à six reprises. Deux jours après l'attentat du 11-Septembre, c'est en Belgique qu'avait été arrêté l'un des premiers terroristes en lien avec al-Qaïda, l'ancien footballeur tunisien Nizar Trabelsi. De nombreuses filières de recrutement pour l'Afghanistan, l’Irak ou la Somalie ont été démantelées pendant les années 2000. Plus d'une dizaine de procès se sont tenus sur le sol belge pour des faits de terrorisme islamiste.
Un havre relativement sûr pour les jihadistes
Ce pays est devenu, en Europe, celui qui compte le plus grand nombre de candidats au jihad partis combattre en Irak et en Syrie, proportionnellement à son nombre d'habitants. Quelque 494 "jihadistes belges" ont été identifiés: 272 sont en Syrie ou en Irak, 75 sont présumés morts, 134 sont revenus et 13 sont en route, selon la Sûreté de l'Etat, les services de renseignement belges.
Ce qui frappe, c'est que la Belgique, malgré le renforcement de sa législation antiterroriste, le démantèlement de filières de recrutement et de cellules terroristes depuis les années 1990 et les condamnations qui ont suivi, reste un havre relativement sûr pour les jihadistes.
Molenbeek, "nid" de jihadistes
C'est en particulier Molenbeek-Saint-Jean, où ont été arrêtées les cinq suspects liés aux attentats de Paris, qui est plus que jamais dans l'oeil du cyclone. Cette commune pauvre de Bruxelles - similaire à un arrondissement parisien - est présentée comme un "nid" de jihadistes, qui a accueilli en quinze ans un nombre impressionnant de personnes impliquées dans des actions terroristes.
"Dans cette petite minorité [de personnes radicalisées], il y a des figures connues au plan européen, qui attirent des gens, un peu comme le 'Londonistan' pouvait en attirer il y a 15 ans", a expliqué à l'AFP un expert des questions terroristes, Claude Moniquet. "Comme dans le quartier londonien, il y voit "les mêmes genres d'influence, les mêmes prêcheurs radicaux".
"Il aurait fallu être plus ferme dès le départ"
"Dans certains quartiers, la population est très dense, composée de personnes d'origine maghrébine à 80%. L'anonymat est plus facile pour les gens de passage dotés de très mauvaises intentions", explique la bourgmestre [maire] Françoise Schepmans à La Dernière Heure. "Ils débarquent aussi dans des quartiers où le terreau de radicalisation est plus fertile (...) Il aurait fallu être beaucoup plus ferme dès le départ", a-t-elle ajouté, estimant que son prédécesseur socialiste, Philippe Moureaux, était responsable de la situation.
Interrogé par Le Monde, ce dernier rejette ces accusations. "Des faits comme ceux auxquels nous assistons ne se sont jamais produits lorsque j’étais aux commandes", réplique-t-il, épinglant un échec des services de renseignement et regrettant que la police locale ait été "décapitée".
Le gouvernement promet un "plan d'action"
Le ministre de l'Intérieur Jan Jambon, issu du parti nationaliste flamand N-VA, a promis de "faire le ménage" dans ce quartier populaire, qui jouxte certaines rues branchées du centre de Bruxelles. "Je ne pense pas qu'avec des mesures 'soft' on pourra résoudre le problème", a averti Jan Jambon.
Le gouvernement de centre-droit de Charles Michel est sous une intense pression. "J'ai demandé aux services de sécurité de nous faire des propositions très rapidement, aux services judiciaires, de renseignement, afin qu'à Molenbeek, notamment, on puisse avoir une approche beaucoup plus resserrée de lutte contre le radicalisme", a assuré le Premier ministre, qui a promis de présenter un "plan d'action opérationnel", aux contours aujourd'hui encore flous.
A ce défi majeur s'ajoute une difficulté de taille: "le morcellement des compétences", selon le sénateur belge conservateur Alain Destexhe. "Si la sécurité et l'immigration restent des compétences fédérales (nationales), l'intégration, l'enseignement et l'organisation des cultes sont gérés au niveau des 'communautés' et des 'régions'", écrivait-il en septembre dans les colonnes du Figaro. "Ce qui peut mener à la mise en place, sur un territoire déjà exigu, de trois politiques différentes dans ces domaines".