Pour Pékin, certains veulent tuer le protocole de Kyoto

Le lac amazonien de Caapiranga, en période de sécheresse. La Chine a accusé certains pays industrialisés, vendredi à la conférence internationale de Cancun sur le climat mondial, de vouloir la mort du protocole de Kyoto, conclu en 1997. /Photo prise le 4 - -
par Alister Doyle et Robert Campbell
CANCUN, Mexique (Reuters) - La Chine a accusé certains pays industrialisés, vendredi à la conférence internationale de Cancun sur le climat mondial, de vouloir la mort du protocole de Kyoto, conclu en 1997.
Le Venezuela et la Bolivie ont eux aussi jugé "inacceptable" que certains pays riches prennent leurs distances avec le protocole de Kyoto, intensifiant les joutes à Cancun avant l'arrivée des ministres de l'Environnement, la semaine prochaine, pour le temps fort de cette conférence, qui se terminera le 10 décembre.
Les pays émergents sont favorables à une prolongation du protocole de Kyoto, qui oblige seulement les pays riches à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2012. Nombre de pays développés souhaitent la conclusion d'un nouveau traité qui fixe aussi des objectifs contraignants aux économies de pays émergents, en tête desquelles la Chine.
Certains pays "veulent même tuer le protocole de Kyoto, ils veulent sa fin", a déclaré à la presse Huang Huikang, représentant spécial pour les négociations sur les changements climatiques au ministère chinois des Affaires étrangères. "C'est une évolution très préoccupante", a-t-il enchaîné.
Le sort à réserver au protocole de Kyoto est le principal obstacle à avoir surgi aux négociations de la conférence de Cancun, qui réunit des délégués de 194 pays, selon Huang.
Les ambitions de cette conférence sont fort modestes, après l'échec enregistré au sommet de Copenhague en décembre 2009, qui s'était conclu sur un accord a minima, sans mesure contraignante.
Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a déclaré que les positions des partisans et des opposants au protocole de Kyoto étaient diamétralement opposées, et elle a appelé à un compromis sur un accord permettant de freiner les changements climatiques.
"Il s'agit de positions à 180° opposées l'une à l'autre", a-t-elle dit en citant, parmi les adversaires du protocole, le Canada, la Russie et le Japon, par contraste avec le Venezuela et la Bolivie qui le défendent avec acharnement.
"Je ne pense pas qu'il sera possible, ici à Cancun, de s'entendre sur une deuxième période d'engagements", a-t-elle déploré.
PAS DE TEXTE "SECRET" PRÉPARÉ PAR LE MEXIQUE
Un négociateur japonais, Akira Yamada, qui était assis à côté de Huang à la conférence de presse vendredi, a assuré que la formule "tuer Kyoto" relevait d'une certaine forme de propagande. "Le Japon ne veut pas tuer Kyoto", a-t-il assuré.
Un texte mis au point vendredi par des experts et obtenu par Reuters propose deux possibilités pour sortir de l'impasse.
L'une d'elles mentionne de nouvelles réductions des émissions de GES dans le cadre du protocole. L'autre préconise de nouvelles réductions des émissions de GES par les pays riches et le lancement d'un vague "processus sans préjuger de la forme et issue définitives ou du rapport avec le protocole de Kyoto".
L'impasse sur l'avenir du protocole empêche de progresser vers un accord sur la préservation des forêts tropicales, déplore en outre Figueres, et l'on ignore pour le moment si la conférence de Cancun sera à même de créer un fonds vert destiné à canaliser des financements destinés à aider les pays pauvres à parer aux conséquences du réchauffement climatique.
En jeu à Cancun, la capacité des Nations unies à trouver des moyens de freiner les changements climatiques au moment même où un grand nombre de pays souffrent de taux de croissance anémiques et se chamaillent sur les questions des taux de change et du commerce. En cas d'échec dans la station balnéaire mexicaine, l'Onu ne pourrait plus se prévaloir d'être le forum international à même d'inventer un modèle économique moins dépendant des combustibles fossiles.
Pour le chef de la délégation américaine, Todd Stern, l'issue de la conférence de Cancun est encore incertain.
"Il se peut que la question du protocole de Kyoto gêne l'ensemble de la conférence, mais j'ai bon espoir que cela ne soit pas le cas", a-t-il dit.
Selon lui, au lieu de chercher un nouvel accord contraignant, la communauté internationale devrait plutôt se concentrer sur des objectifs raisonnablement atteignables, comme l'aide climatique, la préservation des forêts et la mise en oeuvre des engagements non contraignants pris l'an dernier à Copenhague par les pays sur les émissions de gaz à effet de serre.
Le protocole de Kyoto engage près de 40 pays industrialisés à réduire leurs émissions de GES de 5,2% en dessous de leur niveau de 1990 à l'horizon 2008-2012. Les Etats-Unis n'ont jamais ratifié ce traité.
Figueres a rejeté vendredi les rumeurs selon lesquelles le Mexique préparerait un texte "secret" destiné à sortir la conférence de l'impasse, et elle a ajouté que les Mexicains travaillaient à des documents à distribuer aux ministres de l'Environnement pour les tenir au courant de l'état d'avancement des négociations.
Eric Faye pour le service français