Un diplomate syrien fait défection, divisions à l'Onu

L'ambassadeur de Syrie à Bagdad, Naouaf al Fares, a fait défection pour dénoncer la répression du soulèvement contre le président Bachar al Assad, qui continue à diviser le Conseil de sécurité des Nations unies. /Photo d'archives/REUTERS/Khaled al-Hariri - -
par Mariam Karouny
BEYROUTH (Reuters) - L'ambassadeur de Syrie à Bagdad a fait défection pour dénoncer la répression du soulèvement contre le président Bachar al Assad, qui continue à diviser le Conseil de sécurité des Nations unies.
"Je déclare que j'ai rejoint, à compter de cet instant, les rangs de la révolution du peuple syrien", dit-il dans un enregistrement vidéo diffusé mercredi sur Facebook, sans préciser où il se trouve.
Naouaf al Fares, qui était étroitement lié à l'appareil de sécurité syrien, est le premier diplomate de haut rang à faire défection. Il est originaire de Daïr az Zour, grande ville de l'Est syrien qui a essuyé de violents assauts des forces de Bachar al Assad.
"Ce n'est que le début d'une série de défections au niveau diplomatique. Nous sommes en contact avec de nombreux ambassadeurs", s'est réjouit Mohamed Sermini, membre du Conseil national syrien (CNS) formé par l'opposition en exil.
La défection de Fares, un musulman sunnite au sein d'un appareil d'Etat dominé par la minorité alaouite à laquelle appartiennent Bachar al Assad, porte un coup dur au chef de l'Etat, au pouvoir depuis 2000. La semaine dernière, le général Manaf Tlas, qui a été un proche ami de Bachar al Assad, s'était enfuit en France.
"La décision apparemment prise par un autre haut fonctionnaire syrien d'abandonner Assad pourrait fendre son armure. Mais l'ambassadeur Fares n'appartient pas à l'entourage d'Assad", a déclaré un membre de l'administration américaine ayant requis l'anonymat.
"Il s'agit d'une personnalité sunnite respectée et un acte aussi courageux pourrait amener d'autres membres de l'élite sunnite à suivre son exemple", a-t-il ajouté.
A New York, Kofi Annan, envoyé spécial de l'Onu et de la Ligue arabe en Syrie, a invité le Conseil de sécurité à expliquer "clairement" à Damas et à l'opposition qu'ils s'exposeraient à des "conséquences" s'ils n'appliquent pas son plan de sortie de crise.
"CONSÉQUENCES"
Mais le Conseil de sécurité, où deux projets de résolution sont en circulation, l'un à l'initiative de la Russie, l'autre proposé par la France et la Grande-Bretagne avec l'appui des Etats-Unis et de l'Allemagne, diverge sur la nature de ces "conséquences".
Quand les Occidentaux insistent pour que le régime de Bachar al Assad soit menacé de sanctions, Moscou souligne qu'elles ne devraient être évoquées qu'"en dernier recours".
Le Conseil de sécurité doit en outre prendre une décision sur l'avenir des 300 observateurs de la Misnus, la Mission de surveillance des Nations unies en Syrie, avant le 20 juillet, date d'expiration de leur mandat de 90 jours.
D'après l'ambassadeur de Grande-Bretagne aux Nations unies, Mark Lyall Grant, Kofi Annan "a demandé aux membres du Conseil de sécurité de mettre de côté leurs intérêts nationaux et d'exercer une pression conjointe et soutenue sur les deux parties avec de claires conséquences en cas de non conformité".
Avec l'appui de la France, la Grande-Bretagne a fait circuler mercredi soir son propre projet de résolution qui prolongerait le mandat de la Misnus et placerait le plan Annan sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, autorisant tous les moyens, y compris militaires, pour faire appliquer ce processus de sortie de crise élaboré par l'ancien secrétaire général des Nations unies.
"DERNIER RECOURS"
Il menace notamment le gouvernement syrien de sanctions si, dans les dix jours suivant l'adoption de la résolution, il ne met pas un terme à l'emploi d'armes lourdes et ne retire pas ses troupes des villes.
"Nous devons appuyer M. Annan, lui donner les moyens de faire pression sur les parties, afin que très rapidement, dans les jours qui viennent, les parties, et notamment le gouvernement syrien, mettent en oeuvre ses engagements", a souligné Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations unies.
Susan Rice, son homologue américaine, a abondé dans le même sens. "Notre opinion est que le Conseil doit placer ce plan sous chapitre VII, faire bien comprendre qu'il est contraignant", a-t-elle dit.
Ce projet de résolution est en concurrence avec le texte que les Russes ont présenté mardi et qui ne renvoie pas au chapitre VII de la Charte.
Le chapitre VII ne doit être invoqué qu'en "dernier recours", a estimé Alexandre Pankine, numéro deux de la délégation russe à l'Onu.
A deux reprises, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à des projets de résolution visant à condamner la répression menée par le pouvoir syrien.
Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité, Kofi Annan a plaidé une nouvelle fois pour intégrer l'Iran dans la recherche d'une solution en Syrie.
"En Iran comme en Irak, les gouvernements se sont engagés à soutenir le plan en six points. Ils ont apporté leur soutien à l'idée d'une transition politique, qui sera menée par les Syriens et permettra aux Syriens de décider de leur futur régime politique", a-t-il dit.
Le diplomate ghanéen s'exprimait à l'issue d'une tournée diplomatique à Damas, Téhéran et Bagdad, les trois capitales de l'"arc chiite" au Moyen-Orient.
La Chine a accueilli favorablement l'idée d'associer l'Iran à la recherche d'un règlement de la crise. A Washington en revanche, le porte-parole de la Maison blanche, Jay Carney, a réaffirmé mercredi soir que l'implication de l'Iran dans la crise syrienne n'avait été jusqu'à présent "ni productive, ni salutaire".
A Moscou, la Russie et des représentants de l'opposition syrienne n'ont pu que constater leurs désaccords après plusieurs jours de discussions.
"Le peuple syrien ne comprend pas la position russe", a déclaré Bourhan Ghalioun, ancien dirigeant du Conseil national syrien (CNS), la principale instance d'opposition. "Comment la Russie peut-elle fournir des armes ? Comment peut-elle mettre son veto à des résolutions (du Conseil de sécurité de l'Onu) ? Il faut mettre fin aux massacres."
Avec Ben Blanchard à Beijing, Michelle Nichols à l'Onu, Mariam Karouny à Beyrouth, John Irish à Paris, Stephanie Nebehay et Tom Miles à Genève et Tabassum Zakaria à Washington, Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français