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Syrie: le Captagon, la drogue des jihadistes

De la cocaïne, à gauche, et des pilules de Captagon, à droite.

De la cocaïne, à gauche, et des pilules de Captagon, à droite. - Joseph Eid - AFP

La production et l’usage du Captagon, un psychotrope puissant, est en forte hausse en Syrie. Dans ce pays ravagé par la guerre depuis plus de quatre ans, des combattants en consomment pour décupler leur énergie, et annihiler leur peur.

On la surnomme "potion de la terreur", ou "drogue de Daesh". Ravagée par plus de quatre ans de conflit, la Syrie est devenue un grand pays de production et de consommation de Captagon, une amphétamine aux propriétés stimulantes. Des jihadistes de l’organisation Etat islamique (Daesh, en arabe) et des membres des forces du régime de Bachar Al-Assad consomment ce puissant psychotrope pour faire disparaître leur peur, décupler leur énergie, et combattre sans dormir.

A l'origine, la molécule du Captagon (son appellation médicale est la fénéthylline) était produite en Occident dans les années 1960, pour traiter l’hyperactivité, la narcolepsie ou encore la dépression. Elle a été interdite dans la plupart des pays dans les années 1980, à cause de ses propriétés addictives.

"Tu te mets à combattre sans te fatiguer"

En Syrie, la drogue est désormais prisée parmi les forces gouvernementales et les groupes rebelles pour ses capacités stimulantes. Elle est notamment revendue "au front Al-Nosra, au groupe Etat islamique, et à l’armée syrienne libre", selon Sami, un trafiquant interrogé par Arte. "Ca donne la pêche, tu te mets à combattre sans te fatiguer, tu marches droit devant toi. Tu ne connais plus la peur. Les combattants l’utilisent pour veiller, pour contrôler leurs nerfs, et pour augmenter leurs performances sexuelles", explique-t-il.

"Cela vous procure une sorte d’euphorie. Vous êtes bavard, vous ne dormez pas, vous ne mangez pas, vous êtes énergique", indique également un psychiatre libanais cité par Reuters. Mais surtout, le Captagon, vendu sur place entre 5 et 20 dollars la pilule, annihilerait la douleur. Un officier syrien de la brigade des stupéfiants témoigne de cet aspect, observé sur des manifestants et des combattants retenus pour être entendus, auprès de l’agence de presse britannique. "Nous les frappions, et ils ne ressentaient pas la douleur. Beaucoup d’entre eux riaient alors que nous leur donnions de gros coups".

Des centaines de millions de dollars pour financer la guerre

Selon un rapport de l’office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNDOC) publié en 2013, les saisies de pilules de Captagon ont fortement progressé entre 2005 et 2011 en Syrie, passant de 3,2 millions à 22,7 millions de pilules. Mais la production de Captagon, de fabrication simple et bon marché, est en forte hausse avec le chaos qui règne dans le pays depuis le soulèvement mars 2011. Si bien que la production syrienne serait passée devant celle d’autres pays exportateurs comme le Liban, selon Reuters. Le trafic génèrerait des centaines de millions de dollars. Et une grande partie sert à acheter des armes.

A l’export, la drogue part surtout vers les pays du Golfe, et particulièrement l’Arabie saoudite. "64 % des saisies d’amphétamines dans le monde se font au Proche et au Moyen-Orient. En 2011, des hausses significatives ont été enregistrées en Jordanie, au Koweït, au Qatar, en Arabie Saoudite et en Syrie. Toutes les saisies étaient des pilules de Captagon", souligne le rapport des Nations Unies contre la drogue et le crime. "La plupart des saisies d’amphétamines ont lieu en Arabie Saoudite. En 2011, 11 tonnes ont été saisies, ce qui représente 37% des saisies mondiales."

V.R.