Syrie : la trève de l'Aïd vole en éclats à Damas, 81 morts

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La trêve instaurée vendredi matin en Syrie à l'occasion de l'Aïd al-Adha a volé en éclats au bout de quelques heures avec notamment un attentat meurtrier à Damas et une annonce de l'armée qu'elle avait engagé des ripostes à des attaques rebelles.
À l'appel de l'émissaire international Lakhdar Brahimi, rebelles et armée s'étaient engagés jeudi à faire taire leurs armes durant les quatre jours de la fête musulmane du sacrifice, tout en se réservant le droit de riposter.
Au moins 81 ont été tuées à travers le pays selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans un communiqué lu à la télévision officielle, l'armée a annoncé dans l'après-midi avoir fait usage de ce droit après des attaques rebelles à Deir Ezzor (est), Deraa (sud), Idleb (nord-est) et dans la province de Damas.
>> La trève de l'Aïd vole en éclats
"Des groupes terroristes armés ont attaqué des positions militaires, violant ainsi clairement l'arrêt des opérations militaires auquel a souscrit le commandement de l'armée. Nos valeureuses forces armées sont en train de répondre à ces violations", a affirmé le texte.
Dans la terminologie officielle des autorités syriennes, les "terroristes" signifient les rebelles.
Voiture piégée
Dans le même temps, la télévision syrienne et l'OSDH ont annoncé qu'un attentat à la voiture piégée avait fait cinq morts et une trentaine de blessés dans le quartier de Daf Chawk, dans le sud de Damas.
Dans le sud du pays, au moins 11 soldats ont été blessés dans l'explosion d'une voiture piégée à un barrage dans la ville de Deraa, selon l'OSDH.
Le Front al-Nosra, un groupe jihadiste rebelle qui a revendiqué la plupart des attentats ces derniers mois, avait catégoriquement rejeté toute idée de trêve.
Vendredi matin, malgré des combats et des bombardements en plusieurs points du pays, les violences avaient semblé marquer le pas, selon l'OSDH, avec une baisse autant du nombre de morts que de celui des "points chauds".
Les combats se sont déroulé principalement autour de la base militaire de Wadi Deif, près de Maaret al-Noomane (nord-ouest), où 10 soldats et quatre rebelles sont morts dans un assaut des combattants du Front al-Nosra, selon la même source.
L'armée a riposté en bombardant le village limitrophe de Deir Charqui, et des accrochages ont eu lieu dans la province de Damas, à Homs (centre) et brièvement à Alep (nord), selon l'OSDH.
"Tu as détruit la Syrie"
En avril, une trêve négociée par Kofi Annan, le prédécesseur de M. Brahimi, avait déjà permis une baisse d'intensité dans les combats avant de voler en éclats au bout de quelques heures.
Jeudi, l'ONU a dit espérer "de tout coeur" que la trêve tienne, tout en reconnaissant "ne pas être certain" que cela arrive, selon les propos d'un porte-parole.
Vendredi matin, la télévision d'Etat a montré le président Bachar al-Assad priant dans une mosquée du quartier chic de Mouhajirine à Damas, affichant un sourire et une déconctraction contrastant avec le conflit meurtrier qui a fait dans son pays, selon l'OSDH, plus de 35.000 morts depuis mars 2011.
L'OSDH, basé au Royaume-Uni, s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales dans les hôpitaux civils et militaires à travers le pays. Il affirme que ses bilans recensent les victimes civiles, militaires et rebelles.
"Traître, lâche"
Comme chaque vendredi, des militants hostiles au régime ont manifesté à Damas et dans tout le pays, selon l'OSDH et des militants. Ainsi dans la province d'Idleb (nord-ouest), des manifestants ont scandé à l'adresse de Bachar al Assad : "Traître, lâche, tu as détruit la Syrie".
Selon l'OSDH, les forces de sécurité sont intervenues à Raqa (nord-est), tirant des grenades lacrymogènes sur les manifestants, et dans la province de Deraa (sud), où trois personnes ont été blessées par balles.
À Alep, selon des habitants et une source militaire, des rebelles ont tenté de prendre une position militaire dans le quartier Syrian, mais ont été repoussés. Ils ont tiré deux obus, l'un a touché un immeuble et le second est tombé à proximité de l'Hôpital français, tenu par l'armée.
Dans cette grande ville commerçante où la foule se pressait d'ordinaire dans les magasins, les marchés et les restaurants au premier jour de l'Aïd al-Adha, les rues étaient désertes vendredi.
"Bien qu'il n'y ait pas eu de tirs ce matin, rien ne nous donne le sentiment que c'est la fête", a confié Hany, 35 ans, un restaurateur dans le quartier central d'Aziziya qui n'a pas enregistré la moindre réservation pour la journée.
Dans la région de Damas, un habitant du camp palestinien de Yarmouk, dans le sud de la capitale, a affirmé avoir entendu des tirs à l'extérieur du camp, sans être en mesure d'en déterminer l'origine: "Il n'y a personne dans les rues de Yarmouk, chacun est terré chez lui".
Les routes reliant Damas à ses banlieues étaient coupées, a affirmé un chauffeur de taxi.