L'intervention américaine en Syrie souligne l'impuissance du Conseil de sécurité de l'ONU

L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, montre des photos des victimes d'une attaque chimique perpétrée en Syrie le 4 avril 2017 - TIMOTHY A. CLARY - AFP
Mardi, une attaque chimique de grande ampleur a frappé la ville de Khan Cheikhoun en Syrie, faisant au moins 86 morts dont 27 enfants. Rapidement, de nombreux pays, à l'instar de la France, avaient demandé la convocation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, estimant que l'utilisation d'armes chimiques constituait "une violation inacceptable de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques".
Alors que trois projets de résolution ont été discutés par le Conseil de sécurité, sans qu'un accord ne puisse être trouvé, le président américain a finalement ordonné jeudi des frappes contre des installations du régime de Bachar al-Assad. Une décision envisagée dès mercredi par l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley. "Quand les Nations unies échouent constamment dans leur mission d'action collective, il y a des moments dans la vie des Etats où nous sommes obligés d'agir nous-mêmes", a-t-elle en effet déclaré lors d'une réunion du Conseil de sécurité.
La Russie avait pourtant mis en garde les Etats-Unis contre une éventuelle intervention militaire contre son allié syrien, affirmant qu'il pourrait y avoir "des conséquences négatives". "Si il y a des actions militaires, toute la responsabilité sera sur les épaules de ceux qui auront initié une telle entreprise tragique et douteuse", a ainsi indiqué l'ambassadeur russe Vladimir Safronkov.
Mais après avoir ardemment défendu la légitimité du Conseil de sécurité ces dernières 48 heures, de nombreux pays se sont finalement rangés derrière les Etats-Unis.
Le veto russe utilisé 7 fois depuis 2011
Si cette intervention américaine rebat les cartes du jeu syrien et modifie le rapport de force entre Washington et Moscou, elle pose également la question du rôle et de la légitimité du Conseil de sécurité des Nations Unies.
"Il était à peine supportable de devoir regarder comment le Conseil de sécurité de l'ONU s'est montré incapable de réagir de manière claire à l'utilisation barbare d'armes chimiques. Que les Etats-Unis réagissent en attaquant les structures militaires du régime (de Bachar al-Assad) qui a commis ce crime de guerre, est compréhensible", a jugé le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel.
Le Conseil de sécurité a été à maintes reprises paralysé par le veto de la Russie, principal allié du régime syrien. Depuis le début du conflit syrien en 2011, Moscou a en effet déjà utilisé son veto à sept reprises pour bloquer toute action du Conseil de sécurité visant son allié.
Récemment, le 28 février, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à une résolution prévoyant de nouvelles sanctions contre la Syrie pour son utilisation d'armes chimiques. Vladimir Poutine avait alors estimé qu'imposer des sanctions "n'aiderait pas le processus de négociations" pour la paix en Syrie, le président russe qualifiant d'éventuelles mesures contre le pouvoir syrien "d'inopportunes" dans le contexte des pourparlers laborieux menés à Genève sous l'égide de l'ONU.
Le Conseil de sécurité à l'épreuve du conflit syrien
En frappant militairement le régime syrien après une attaque chimique, Donald Trump a pris jeudi le contrepied de son prédécesseur Barack Obama qui, dans des circonstances similaires, avait reculé. Suite au massacre au gaz sarin perpétré dans l'ancienne oasis de la Ghouta en août 2013, l'ancien président américain avait déclaré qu'une "ligne rouge avait été franchie" et s'était dit prêt à frapper l'armée du président Bachar al-Assad. Mais il avait finalement reculé, en décidant de soumettre sa décision à un vote du Congrès.
Les frappes américaines traduisent-elles un échec des Nations Unies? Non, répond Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales interrogé ce vendredi sur BFMTV. "C'est un échec du jeu consensuel et convergent des puissances. Ce n'est pas les Nations Unies qu'il faut accuser, c'est le manque de ressources dont elles disposent", estime-t-il.