Hommes, femmes et enfants: les images des prisonniers syriens libérés de la prison de Saydnaya

Une photo satellitaire, fournie par le Centre national d'études spatiales français à Amnesty International le 7 février 2017, montre la prison de Saydnaya, au nord de Damas, en Syrie - Handout © 2019 AFP
Des images saisissantes. Les rebelles syriens ont annoncé ce dimanche 8 décembre avoir pris la prison de Sednaya à Damas, symbole des pires exactions des forces du président Bachar al-Assad.
Sur des vidéos relayées par les médias, on aperçoit des prisonniers être libérés de ces geôles. De nombreux hommes mais aussi des femmes et des enfants, voire un bambin.
Des hommes armés ont ouvert les portes des cellules carrelées une à une, les prisonniers se précipitant à l'extérieur, trébuchant, confus, peinant à croire que le président est vraiment tombé.
Certains crient de joie, s'enlacent... Le visage émacié, d'autres sont portés par des camarades car trop faibles pour avancer seuls.
"Je suis en prison depuis 10 ans. Que s’est-il passé?"
"Vous êtes tous libres maintenant! N'ayez pas peur. Rentrez chez vous. Vous êtes tous libres maintenant", crie un homme à des détenues confuses.
"J'ai peur", hurlent plusieurs femmes à la suite, visiblement apeurées à l'idée d'être piégées ou de nouveau violentées par les hommes en armes qui sillonnent les coursives. Aucun mobilier n'est visible si ce n'est quelques maigres couvertures jetées au sol. Et des murs rongés par l'humidité et la saleté.
En-dehors des murs de cette prison, surnommée "l'abattoir humain", des prisonniers courent.
"Je suis en prison depuis 10 ans. Que s’est-il passé?", demande l'un d'eux selon une vidéo relayée par un journaliste turc. "Le régime est tombé", lui répond-on déclenchant sur son visage un sourire béat.
Selon le média britannique The Telegraph, parmi les personnes libérées, on trouve Raghid al-Tatari, un pilote emprisonné en 1981 pour avoir refusé de bombarder la ville de Hama sous les ordres de Hafez al-Assad, le père de Bachar. Il était considéré comme le prisonnier politique le plus ancien de Syrie.
Des prisonniers piégés dans des souterrains?
Des secouristes syriens craignent que d'autres prisonniers soient piégés dans des cachots souterrains de la prison.
Le groupe de secours des Casques blancs a entamé d'intenses fouilles afin de les retrouver invoquant la possible existence de "cellules souterraines cachées". Des volontaires détruisent depuis dimanche murs et recoins à coups de masse ou de barres de fer pour tenter d'en localiser. Pour le moment, en vain.
"Il y a des centaines, peut-être des milliers de prisonniers retenus deux ou trois étages sous terre, derrière des verrous électroniques et des portes hermétiques", prévient Charles Lister, du Middle East Institute.
De son côté, l'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya affirme dans un communiqué que le bâtiment est vide et qu'il n'y a pas de "preuves de la présence de détenus coincés sous terre".
Le chef des Casques blancs Raed Saleh affirme lui-même sur X qu'il n'y a "aucune preuve confirmant la présence de détenus à l'intérieur des sous-sols et labyrinthes" tout en disant devoir "se préparer au pire".
"J'ai couru dans les rues comme une folle"
De nombreux Syriens ont rejoint la prison pour tenter de retrouver leurs proches emprisonnés par le régime de Bachar Al-Assad. Certains lancent des appels sur les réseaux sociaux. "Où êtes-vous, Maher et Abdelaziz, il est temps pour moi d'entendre vos nouvelles", écrit Fadwa Mahmoud, elle-même une ancienne détenue qui cherche son mari et son fils.
Aida Taher, 65 ans, est toujours à la recherche de son frère arrêté en 2012. Elle raconte qu'elle "a couru dans les rues comme une folle" en allant à Saydnaya.
"Mais j'ai découvert que certains prisonniers étaient toujours dans les sous-sols, il y a trois ou quatre sous-sols" et "ils ont dit que les portes ne s'ouvrent pas car ils n'ont pas les bons codes", ajoute-t-elle.
En ligne, des familles ressortent les photos en noir et blanc de jeunes hommes fringants ou celles de manifestants sous les drapeaux de la "révolution" qui ont fleuri dans les provinces rebelles en 2011. Elles demandent si quelqu'un a vu ces hommes, s'ils étaient à Saydnaya, ou s'ils sont vraiment morts, emportés dans les 14 années de chaos en Syrie, sans espoir de les voir ressurgir au coin de la rue, amaigris mais en vie.
L'Association des détenus et des disparus de la prison de Sednaya appelle les proches de disparus ou de prisonniers à ne pas "se rendre à la prison" et à ne pas se "regrouper" à l'intérieur ou à l'extérieur du bâtiment. L'association alerte les familles sur la présence de mines anti-personnelles.
Elle appelle aussi "les organisations humanitaires à apporter un total soutien aux prisonniers libérés et de leur apporter l'aide médicale, psychologique et sociale nécessaire".
Depuis le début en 2011 de la "révolution", plus de 100.000 personnes ont péri dans les prisons du régime, notamment sous la torture, estimait en 2022 l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). À la même époque, l'OSDH rapportait qu'environ 30.000 personnes avaient été détenues à Saydnaya, dont seulement 6.000 avaient été relâchées.
Amnesty International, de son côté, a recensé des milliers d'exécutions et dénonce "une véritable politique d'extermination" à Saydnaya, un "abattoir humain".