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Moyen-Orient

Pourquoi la Palestine a tout à gagner en adhérant à la Cour pénale internationale

Le ministre des affaires étrangères palestinien, Ryad al-Malki, sort de la CPI le 5 août 2014.

Le ministre des affaires étrangères palestinien, Ryad al-Malki, sort de la CPI le 5 août 2014. - Martijn Beekman – ANP – AFP


La lutte juridique entre deux États, Israël et la Palestine, va bientôt commencer. Désormais admis comme membre à part entière de la Cour pénale internationale, la Palestine va pouvoir porter plainte contre l'armée israélienne. Cependant, le gouvernement palestinien ne va pas abattre toutes ses cartes juridiques d'un seul coup. Explications par notre éditorialiste Harold Hyman.

Le 1er avril l’État de Palestine a été admis comme 123e État membre de la Cour pénale internationale. Sachant qu’il y a plus de 190 États souverains dans le monde, voici que la Palestine entre dans un club partiellement restreint. Qui compte toutefois quelques absents notables, comme Israël, États-Unis, Chine, Russie, Cuba, Inde, Pakistan, ou encore l'Iran.

Côté israélien cette admission est une mal vécue et irrite au plus haut point. Ce que redoute le pouvoir israélien, c'est la "Lawfare", la guerre judiciaire. Les responsables israéliens dénoncent pour le moment une "attitude cynique", une "supercherie", disent-ils. Posons-nous donc la question : est-ce une stratégie si cynique?

Abbas n’en peut plus d’attendre

Cela fait des années que le président de l’Autorité palestinienne annonce que le refus israélien de négocier conduira la partie palestinienne à suivre une voie diplomatique unilatérale, afin d'obtenir des résultats. Ces résultats, ce n'est pas tant la déconfiture physique d’Israël en tant qu’État — lubie que n’entretient sérieusement aucun membre du Fatah et de ses alliés, tous partisans du partage en deux États sur les frontières d’avant la Guerre des Six Jours de 1967 — mais plutôt le réveil des Israéliens.

L’idée palestinienne est que l’appartenance à la CPI incite l’État d’Israël à négocier. Le ministre des Affaires étrangères palestinien, Ryad al-Malki, explique que "ce n'est pas la vengeance que nous rechercherons auprès de la CPI, mais la justice". 

Petite explication de texte, obtenue du côté de l'ambassade de Palestine en France : Haël Al Fahoum, diplomate formé à la biochimie en Israël et en France, rappelle la formule de Laurent Fabius: "le conflit isaëlo-palestinien est le père de tous les conflits". Mais il la transforme dans une version plus personnelle : "ce conflit est la mère de toutes les solutions."

Pour l’heure, les plaintes pour crimes contre l’humanité ont été déposées et sont en cours d’examen préliminaire par la procureure de la CPI Fatou Bensouda. Comme les choses avancent lentement à la CPI, le gouvernement israélien n'a pas trop à s’en faire dans l’immédiat, d’autant plus que côté palestinien, on assure ne pas vouloir envoyer des séries de plaintes au sujet de la colonisation israélienne. 

Israël prend discrètement les devants

A la mi-mars, des juristes militaires de très haut rang sont passés par Paris et ont livré leurs analyses sur la guerre de Gaza et les conséquences judiciaires. Si l'État d’Israël ne reconnaît pas la CPI, elle a ses propres obligations nationales quant au droit de la guerre et au droit humanitaire international. Ainsi, tous les tirs sur toutes les cibles à Gaza en 2014 sont documentés, et la justice militaire les passe en revue pour être conforme à ce droit. Des juristes, indépendants de la hiérarchie militaire, doivent valider chaque tir, et les plaintes de civils peuvent leur être adressés directement. Ainsi, ils peuvent convoquer des officiers supérieurs. A ce jour, ils ont ouverts six enquêtes criminelles. Concernant le risque — entièrement théorique — d’avoir une inspection de la CPI, ces juristes sont confiants: la guerre a suivi le droit à la lettre. 

Mais si jamais l’État d’Israël adhérait à la CPI, elle pourrait aussi porter une plainte offficielle au sujet des tirs de roquettes de la part du Hamas sur les civils israéliens. Là-dessus, le gouvernement palestinien est serein: "qu’Israël nous poursuive à son tour", disent les responsables palestiniens. Il est vrai que c'est le Hamas, et non le gouvernement officiel de Mahmoud Abbas, qui a tiré, et que donc ce dernier ne s’expose guère à l’opprobre de la Cour. Abbas pourra cependant poursuivre Israël au nom des civils de Gaza, qui sont théoriquement ses ressortissants. Cela pourrait donner un certain réconfort à Abbas, qui en a bien besoin ces temps-ci.