"Une idée absolument horrible": Tony Blair envisagé pour la gouvernance de Gaza après la guerre, un projet déjà critiqué

L'ancien Premier ministre Tony Blair, à Londres, le 7 juillet 2025 à Londres. - LEON NEAL / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP
Un nouveau rôle d'envergure pour l'ancien Premier ministre britannique? Alors que la fin de la guerre est dans toutes les têtes à Gaza, l'après se dessine déjà, avec un homme au centre des discussions: Tony Blair. Son nom a clairement été évoqué dans son plan en 20 étapes pour "mettre fin au conflit à Gaza", ce lundi 29 septembre.
Dans sa présentation, Donald Trump insiste sur sa volonté de créer une "gouvernance transitoire temporaire par un comité palestinien technocratique et apolitique" en charge notamment des affaires quotidiennes.
Il sera supervisé par "un nouvel organe international de transition", qu'il nomme le "Conseil de paix" qui sera dirigé par plusieurs membres dont Tony Blair et lui-même. L'ancien dirigeant britannique est le seul autre dirigeant qui est, pour l'heure, nommé dans ce plan.
Par le biais de son institut, Tony Blair a salué un "plan audacieux et intelligent qui, s'il est accepté, peut mettre fin à la guerre et offrir à la population gazaouie la perspective d'un avenir meilleur".
Une autorité internationale
Son nom ne sort pas de nulle part. Le 27 août dernier, Tony Blair avait participé à une réunion à la Maison-Blanche avec Donald Trump et Steve Witkoff sur l'après-guerre à Gaza, a rapporté El Pais. Un mois auparavant il rencontrait déjà Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne.
Très décrié pour son soutien aux États-Unis dans l'invasion de l'Irak en 2003, l'ancien leader travailliste s'est, à force d'expériences locales et de relations construites sur le tas, replacé dans l'échiquier sur la question de l'après-Gaza.
"Il a toujours gardé une place dans son cœur pour ce projet inachevé visant à apaiser ce conflit", a déclaré Ehud Barak, ancien Premier ministre israélien, à son sujet dans des propos rapportés par le Washington Post.
Selon des documents consultés par Al Jazeera et le Washington Post, Tony Blair est ainsi envisagé à la tête d'une nouvelle entité appelée Gaza International Transitional Authority (GITA), qui administrerait Gaza pendant une période de transition pouvant aller jusqu'à plusieurs années.
Cette autorité est mentionnée dans un document confidentiel de 21 pages que le quotidien israélien Haaretz a dévoilé en intégralité et que The Guardian a également pu consulter. Ce plan ferait fi des actuels dirigeants palestiniens, laissant à la place une autorité internationale. Plusieurs personnalités, telles que le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, Marc Rowan ou Aryeh Lightstone y sont mentionnés comme potentiels membres.
Des soutiens de poids et une "immense confiance"
Dans sa besace, l'ancien Premier ministre compte des soutiens de poids, dont le gendre du président américain, Jared Kushner. Le tout avec une réputation d'homme qui aime les défis. Envoyé spécial du Quartet pour le Moyen-Orient de 2007 à 2015, avant de maintenir ses activités dans la région par le biais de son institution, s'est aguerri sur des dossiers épineux, voulant s'élever en sorte d'Ethan Hunt de la diplomatie, en ayant officié sur le Kosovo comme l'Irlande du Nord par le passé.
"Il y a un trait marquant dans sa personnalité, cette immense confiance en sa capacité à résoudre les problèmes les plus difficiles au monde", rapporte son biographe John Rentoul, au Washington Post.
"Le but est d’obtenir un accord sur le ‘jour d’après’ afin de mettre fin à la guerre", atteste un proche de l'ancien pensionnaire du 10 Downing Street au Financial Times, évoquant son désir de "revenir à une solution à deux États".
Une promotion très contestée
Près de 80 ans après la fin du mandat britannique en Palestine, l'hypothèse Tony Blair renvoie, pour certains, à une crainte d'un retour en arrière et suscite d'importantes interrogations. D'autant que malgré son rôle d'envoyé spécial pour le Moyen-Orient durant huit ans, d'aucuns déploreront son manque d'action.
"Malgré ses terribles échecs en Irak et avec l'Autorité palestinienne, l'ancien Premier ministre britannique continue de pontifier sur les maux et les remèdes du Moyen-Orient", notait dès 2014, l'influent analyste politique Marwan Bishara, pour le New York Times.
"Sept ans après avoir été nommé envoyé spécial du Quartet, les territoires occupés de Palestine sont toujours assiégés. Et onze ans après avoir coparrainé l'invasion et l'occupation de l'Irak, le pays est en train de s'effondrer", ajoutait-il.
"Il est absolument inacceptable que Tony Blair prenne la tête d’une autorité de transition à Gaza, nous n’avons pas besoin d’un dirigeant venu d’une ex-puissance coloniale", a réagi Mustafa Barghouti, secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne, auprès du Washington Post. "C'est une idée absolument horrible", a-t-il ajouté.
Accusé de crimes de guerre en Irak
Le retour sur le devant de la scène de Tony Blair n'est pas non plus du goût de Francesca Albanese, rapporteure des Nations unies pour la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés.
"Tony Blair? Pas question!", a-t-elle écrit sur X. "Ne touchez pas à la Palestine. Peut-être pourrions-nous nous rencontrer à La Haye?", a-t-elle ajouté, en référence à la Cour pénale internationale. Ses détracteurs estiment qu'il devrait être jugé pour crimes de guerre à cause de l'invasion de l'Irak.
"Il y a déjà des craintes à l'encontre de Tony Blair en raison de son expérience palestinienne lorsqu'il était représentant du Quartet. Mais le plus grave est que ce plan sépare la bande de Gaza de la Cisjordanie sur le plan juridique et n'explique en rien comment ces deux territoires continueront à faire partie d'un même ensemble", s'inquiète pour sa part Xavier Abu Eid, ancien conseiller de l’Organisation de libération de la Palestine auprès du Guardian.
Un plan dans l'attente d'une validation du Hamas
Malgré tout, plusieurs pays du monde arabe ont salué le plan proposé par Donald Trump, qui a été accepté par Benjamin Netanhyahou. L'Autorité palestinienne a salué ses "efforts sincères et déterminés" et "accueille favorablement les efforts sincères et déterminés du président pour mettre fin à la guerre à Gaza", a-t-elle indiqué par voie de communiqué.
Le Qatar a affirmé que le Hamas étudie la plan "de manière responsable" tandis que l’émirat s’est dit "satisfait" au sujet des garanties de sécurité à l'issue d'un appel entreDonald Trump et Benjamin Netanyahou ce lundi.
Donald Trump a dit mardi que le Hamas avait "trois ou quatre jours" pour répondre à son plan pour Gaza, qui prévoit en particulier un arrêt immédiat des hostilités. "Nous n'attendons que le Hamas. Et le Hamas acceptera ou n'acceptera pas. Et s'il n'accepte pas, cela se finira de manière très triste", a dit le président américain dans un court échange avec la presse à la Maison Blanche.