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Moyen-Orient

2013 l'Année des Bédouins du Sinaï : les nouveaux radicaux islamiques

Le Sinaï est peuplé presque entièrement de quelque 100 à 150.000 Bédouins et Palestiniens.

Le Sinaï est peuplé presque entièrement de quelque 100 à 150.000 Bédouins et Palestiniens. - -

Israël tout comme l'Egypte s'inquiètent de la métamorphose des Bédouins du Sinaï qui se transforment de plus en plus en djihadistes. Harold Hyman, spécialiste de géopolitique, évoque ce nouveau danger venu du désert.

Les Israéliens avisés se penchent aujourd'hui sur les séquelles de la Révolution égyptienne. Les Frères musulmans, un président Morsi qui reste à peu près fiable et utile, et enfin un problème bien moins visible mais combien aigu : les Bédouins du Sinaï.

Lors de ma visite en Israël juste avant Noël, des sources israéliennes informées m'ont expliqué la teneur de ce nouveau danger – car c'est bien de cela qu'il s'agit. Voici l'essence de leur étonnant exposé, qui est d'ailleurs en phase avec un reportage récent d'Al Jazeera English.

Hors des grandes villes du Canal, bien égyptiennes d'esprit, il y a le Sinaï peuplé presque entièrement de quelque 100 à 150.000 Bédouins et Palestiniens.

Il s'agit déjà là d'une surprise pour le non-spécialiste comme moi. Le Sinaï tout entier est un territoire égyptien souverain, restitué depuis la fin de l'ère Sadate. Mais ce territoire n'est pas sociologiquement égyptien. Bédouin et un peu Palestinien (oui, Palestinien du Sinaï). Et les Bédouins sont cinquante mille à y vivre de la contrebande.

Deux nouveautés apparaissent ici : les Palestiniens sont nombreux à se lier aux Bédouins par les mariages mixtes à Rafah, et les Bédouins sont devenus contrebandiers et même tueurs à gages.

Pour l'État d'Israël, et même pour l'État égyptien, une troisième nouveauté : les Bédouins sinaïens se métamorphosent en djihadistes !

Un exemple : une bande bédouine a attaqué plusieurs fois des cibles militaires, israéliennes comme égyptiennes, cet été 2012. Lors d'une attaque en plein Ramadan, 16 militaires égyptiens furent tués par ces contrebandiers djihadistes bédouins !

L'Armée égyptienne n'a pas admis la perte de 16 hommes. Tsahal non plus n'a pas toléré: les bandits-djihadistes bédouins ont tiré des missiles, capturés aux militaires, sur Eilat.

Comment tout cela a-t-il pu survenir :

Sous Moubarak les Bédouins, gens socialement méprisés, n'avaient le droit ni d'acheter ni de louer la terre, et subissaient la discrimination à l'emploi.

Longtemps encadrée par les cheiks traditionnels, la société bédouine implose à la Révolution : la sécurité est relâchée, permettant une floraison de contrebande vers Gaza et même vers le territoire israélien du Negev (où résident des Bédouins des mêmes tribus qui parfois participent), 1.200 djihadistes sont libérés des geôles de Moubarak, et les djihadistes étrangers aguerris affluent. Les seigneurs de la contrebande recrutent les jeunes.

Petit aperçu de l'avenir :

Tsahal et l'armée égyptienne collaborent cordialement me long de leur frontière commune. Rencontres des deux côtés, échange d'information. Une coopération militaire bilatérale, aux intérêts convergents et bien compris, commence. Et l'administration égyptienne tente de redonner un peu de pouvoir et de prestige aux cheikhs bédouins.

Trop peu, trop tard? Il est significatif de voir les Frères Musulmans, islamistes de bon aloi, combattre cet étrange djihad sur leur propre sol.

Harold Hyman et journaliste spécialiste de géopolitique