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Menace nucléaire: pourquoi il est inutile d'aller en pharmacie pour acheter des pastilles d'iode

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Inquiets face au risque d'une attaque nucléaire russe, nombreux sont les Européens à se ruer sur les comprimés d'iode destinés à prévenir un cancer de la thyroïde.

Face aux menaces nucléaires qui viennent de Moscou, les Européens semblent inquiets, et cela se voit dans les pharmacies. En France, mais également en Belgique ou en Allemagne, des officines constatent une forte demande de pastilles d'iode pour se protéger d'un éventuel risque d'exposition à la radioactivité. Une initiative pourtant inutile aujourd'hui, selon les autorités.

Utile en cas d'émissions radioactives

Le but des pastilles d'iode? Protéger la thyroïde en cas d'émissions radioactives. Prendre un comprimé d’iode stable permet d'empêcher d'absorber de l’iode radioactif qui pourrait être rejeté dans l’environnement en cas d’accident nucléaire. L'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) l'explique:

"La thyroïde va absorber l’iode stable jusqu’à saturation, et ne pourra donc plus incorporer l’iode radioactif qui serait éventuellement respiré ou ingéré", ce qui réduit les risques de développer un cancer.

Après l'escalade en Ukraine, les menaces de Vladimir Poutine, et notamment les tirs russes sur la plus grande centrale nucléaire d'Europe, des habitants préfèrent prendre de l'avance. France 3 rapporte par exemple qu'en Allemagne, dans la région de Stuttgart, de nombreux habitants se sont rués dans leur pharmacie pour acheter des pastilles d'iodes.

"On ne sait pas comment cette crise va évoluer"

Même constat en Belgique, où sur la seule matinée de jeudi dernier, les officines du pays ont écoulé plus de 56.000 boîtes de dix pastilles d'iode, selon le porte-parole de l'Association pharmaceutique belge (APB).

Dans le pays, une boite par famille est distribuée gratuitement depuis 2018. Une mesure qui sert surtout à rassurer la population qui pourrait être inquiète de la vétusté des centrales nucléaires en Belgique. Mais depuis quelques jours, les gens s'inquiètent:

"J'ai lu dans le journal que les gens voulaient stocker (des pastilles d'iode), c'est pour ça que je suis venu. On ne sait pas comment cette crise va évoluer", a expliqué à l'Agence France-Presse (AFP) Georgios Procodius, 45 ans, disant vouloir se protéger "en cas d'attaque nucléaire".

Chez nous aussi, ce type de discours semble visible. Au micro de nos journalistes de BFM Lyon, Véronique Nouri, présidente du syndicat des pharmacies du Rhône, en fait le constat:

"On est assaillis de demandes" explique-t-elle. "Dans notre pharmacie, c'est tous les jours, au téléphone ou au comptoir. Et dans tous les autres pharmacies du Rhône et de la région mes confrères m'ont fait remonter qu'ils avaient énormément de demandes. L'Etat a verrouillé les commandes que nous pouvions faire via les grossistes, c'est à l'Etat de gérer ça. Il ne faut pas venir en pharmacie, nous n'en n'avons pas" assure la pharmacienne, en rappelant qu'il ne faut pas non plus aller s'en procurer par internet.

Des demandes tellement récurrentes qu'elles ont poussées l'IRSN à publier un article sur son site, pour "mettre fin aux idées reçues" sur la prise d'iode.

Une automédication possiblement dangereuse

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire rappelle notamment que les comprimés d’iode stable doivent être administrés en situation accidentelle et uniquement sur instruction des autorités. Il s'agit notamment des mesures qui peuvent être prises par le préfet.

L'IRSN assure que "l'État dispose de réserves suffisantes pour couvrir l'ensemble de la population, et que dans le cas d'un risque nucléaire, "tous les moyens (télévision, radio, véhicules avec haut-parleur…) seront utilisés pour donner la consigne de prise d’iode, sous la responsabilité du préfet".​

Surtout, la prise d'iode "préventive" peut présenter plus de risques que de bénéfices. Là encore, l'IRSN rappelle que les comprimés doivent être pris "au plus tôt une heure avant l'exposition à la radioactivité, et au plus tard dans les 6 à 12 heures qui suivent".

"Plus tôt, leur efficacité sera considérablement réduite. Plus tard, au-delà de 24 heures, leurs effets secondaires sont plus graves que les bénéfices attendus", prévient l'Institut.

Selon les profils, l'automédication pour de l'iode pourrait se révéler dangereuse et provoquer de possibles effets secondaires thyroïdiens et cardiaques.

Il n'est donc pas recommandé d'aller se procurer des pastilles d'iode sans avoir consulté son médecin auparavant. L'IRSN rappelle d'ailleurs que toutes les pharmacies n'en vendent pas.

Louis Augry